Cette histoire a été écrite par JulesCésarine
Esméralda[]
Partie 1[]
Chapitre 1[]
Esmée soupira et tenta tant bien que mal d'essuyer sa robe tachée d'huile mais ne fit qu'aggraver la situation.
- Maman tu veux bien m'aider s'il te plaît, le câble est trop court, je n'arrive pas à relier le cerveau du robot avec sa batterie.
Constance s'approcha et d'un tour de main habile ajouta une rallonge au câble en question.
- Merci, murmura la jeune femme.
Après quelques minutes de silence, sa mère reprit la parole.
- Allez viens, Adélaïde doit avoir terminé le souper. Ce soir je te dispense de travail quotidien, demain il faut que tu te lèves tôt, ajouta-t-elle en la prenant par le bras.
Une fois à table Esmée posa sa question comme elle le faisait chaque soir.
- Quand est-ce que papa va revenir ?
Elle connaissait déjà la réponse mais ne pouvait s'empêcher d'interroger sa mère gardant toujours une lueur d'espoir. Celle-ci serra les dents, fit mine de ne pas avoir entendu et continua à fixer son assiette sans chercher à cacher les larmes qui menaçaient de déborder de ses petits yeux noisette. Déçue mais honteuse d'avoir rappelé le départ prématuré de son père, la jeune fille se rattrapa en changeant vivement de sujet.
- Tous mes bagages sont dans le hall ?
Le visage de Constance s'éclaircit et elle répondit d’une voix douce.
- Bien sûr ma chérie, demain tu n'auras à te soucier de rien. Si tu savais comme je suis fière de toi, dit-elle en calant une mèche rebelle derrière l'oreille de sa fille. Tu as bien retenu l'adresse, Bulle N°4, Rue Martrange, 39. Surtout, n'oublie pas ta lettre de recommandation, ...
- Ne monte pas dans la voiture de quelqu'un que tu ne connais pas, regarde bien avant de traverser, garde la tête droite quand tu parles à Mr George mais baisse là dès que tu vois le blason du Renard, la coupa-t-elle, tu vois, il n'y a pas de raisons de s'inquiéter, j'ai compris.
Toujours pas convaincue, sa mère hocha la tête en s'efforçant de paraître sereine.
-Une dernière chose, ne révèle jamais, je dis bien jamais à qui que ce soit le nom et le prénom de ton père. C'est compris ?
Son expression était illisible, un mélange de peur, de haine et d'autorité incontestable. Soudainement prise de peur, la jeune fille bredouilla.
- Ou... Oui, bien sûr.
Candice se décrispa et le repas se termina dans le calme le plus complet. Ce fut Adélaïde qui, trébuchant dans les escaliers, brisa la tension bien palpable en déclenchant un gros fou rire.
- Bonne nuit maman, à demain.
- Fais de beaux rêves Esmée. Et ne lis pas trop tard ! cria-t-elle depuis le bas des escaliers.
Chapitre 2[]
Esmée s'étira en baillant et se leva aussitôt, elle ouvrit grand les rideaux et observa sa Bulle qui commençait à s'éveiller. Monsieur Burnet retournait la plaque de sa boulangerie pour afficher OUVERT, Madame Cox sortait faire ses courses du samedi matin, les vieux Boodle donnaient à manger aux pigeons et leurs petits enfants couraient entre les jambes des passants récoltant des petits sermons par ci par là. S'arrachant à sa contemplation, la jeune femme ouvrit sa garde-robe, prit une jupe au hasard ainsi qu'un chemisier blanc et s'habilla en vitesse. Elle descendit bruyamment les escaliers en faisant bien attention a claquer ses souliers vernis contre le vieux parquet.
- Esmée moins fort ! Tu vas réveiller toute la maisonnée ! s'égosilla Adélaïde en faisant mine de se fâcher.
La jeune fille rigola et se faufila discrètement dans la salle à manger, elle arriva derrière la cuisinière et sauta dessus.
- Bouh !
La vieille femme sursauta et poussa un cri de surprise.
- Tu m'a fait peur ! Un jour ou l'autre je ferai une crise cardiaque et ce sera ta faute ! s'exclama-t-elle tandis qu'Esmée tentait en vain de reprendre son sérieux.
- Bien sûr Adélaïde, je te promets que je ne le ferai plus.
La cuisinière poussa un long soupir avant de lui rendre son sourire. Ensuite, elle se rendit compte de ce que venait lui dire la jeune fille. Elle renifla et lui répondit avec une tristesse apparente.
- Et oui ma petite, tu pars, je n'arrive toujours pas à réaliser que je ne verrai peut-être plus jamais ce joli mais maléfique démon.
Elle lui claqua un bisous sonore sur la joue puis se retourna avant que l'étudiante qu'elle avait vu grandir depuis toute petite ne puisse remarquer ses larmes.
Esmée se dirigea vers la table ou l'attendaient deux tranches de pain tartinées de beurre et de confiture d'orange amère. Sa mère avait suivi toute sa discussion avec Adélaïde et l'observait depuis le canapé du salon, adjacent à la salle à manger.
- Bien dormi ?
- Non, le chat du voisin n'a pas arrêté de miauler pendant la nuit.
Sa mère soupira.
- Je pourrais te dire que je demanderai à Erastus de le mettre dans une autre pièce mais comme plus personne n'occupera ta chambre...
Elle-même avait les traits fatigués et de petites cernes se dessinaient sous ses yeux. Esmée avala goulûment son petit-déjeuner puis, passant par le salon, rejoignit l'entrée en traînant des pieds.
- Tu viens maman ? Je vais finir par rater le funambus.
Constance quitta son fauteuil à contrecœur et prit sa fille dans ses bras.
- Tu vas me manquer.
- Toi aussi, répondit Esmée en enfouissant son visage dans le doux peignoir de sa mère.
Elle lui fit un léger bisous puis s'écarta en essayant de ne pas se laisser submerger pas l'émotion. Prenant sa valise et son petit sac à dos, elle vérifia qu'elle avait bien tous ses papiers puis, après un dernier au revoir sortit du manoir sans se retourner une seule fois. Quand elle jeta un regard par dessus son épaule, la porte était fermée. Prenant une grande inspiration, Esmée gagna l'arrêt de funambus le plus proche et attendit patiemment. Perdues dans ses pensées, elle ne vit pas arriver le premier véhicule et se fit bousculer par la foule sortant de celui-ci. Essayant de se frayer un chemin vers l'entrée du long bus un bouton de son manteau en feutre accrocha les longs cheveux d'un jeune homme. Agacée, elle se tourna vers lui et s'acharna sur l'attache de son pardessus.
- Vous ne pouvez pas attacher vos fichus cheveux ! Regardez moi, je suis une femme mais je me suis fait un chignon !
L'homme ne répondit pas. Quand enfin ils réussirent à détacher ses cheveux, le funambus était parti. Esmée poussa un soupir de frustration et s'assit sur un banc, à côté du jeune homme.
- Navré Mademoiselle. Je me présente : Lucian Dawkins, de l'université de la Basse Cité. L'université de la Bulle N°8 si tu te posais la question. À qui ai-je l'honneur ?
- Esméralda Juilius Belcher, je rentre à l'université de la Bulles N°4, l'université Royale de la Haute Noblesse, répondit-elle sèchement.
Il siffla d'admiration.
- La Bulle N°4 ?! C'est qu'ils sont riches les parents de la d'moiselle !
- Et alors ? Je ne vois pas où est le problème.
Sur-ce, sans même lui laisser le temps de répondre, elle rentra dans le funambus qui venait d'arriver. Une fois qu'il eut franchit le pont du Gouffre, Esmée descendit et marcha rapidement jusqu'à l'adresse que sa mère lui avait répété une centaine de fois.
- Excusez-moi, je suis bien chez Monsieur George ? demanda-t-elle à la femme de chambre qui lui ouvrit.
- Vous êtes Esméralda Belcher ? fit-elle sceptique.
- Oui c'est moi répondit-elle avec un grand sourire.
- Venez, Monsieur vous attend.
Et sans plus d'indications, elle s'effaça et la laissa entrer. La jeune femme se retrouva seule dans un étroit couloir glacial peu meublé où l'on ne pouvait deviner la richesse du propriétaire que grâce aux tapisserie dorées qui recouvraient les murs. Esmée frissonna et se dirigea vers ce qui semblait être le salon. L'intérieur de la pièce créait un énorme contraste avec le hall d'entrée, de grands canapés et fauteuils recouverts de velours et de parures d'or formaient un demi-cercle devant le feu qui crépitait dans la cheminée de marbre. Un tapis duveteux cachait les imperfections du sol et des tapisseries semblables à celles du couloir ornaient les murs de pierre. Quelques tableaux valant une fortune de nos jours étaient accrochés ici et là et une petite table en ébène apparaissait au fond de la pièce laissant deviner plusieurs piles de gros livres posés dessus. Mais le plus impressionnant n'était pas la pièce mais l'imposant Monsieur assis sur un des nombreux sièges. Très grands et si j'ose dire très large aussi, il portait une chemise de soie rouge foncée sur laquelle de fins fils d'or formaient un délicat dessin. Son long pantalon ample cachait en partie des énormes souliers en vrai cuir brun. Ses cheveux coupés un peu plus bas que ses oreilles et sa grosse moustache noire lui donnaient un air bienveillant.
- Bonjour Mademoiselle Esméralda, vous avez fait un bon voyage ?
- Esmée, corrigea-t-elle, oui Monsieur, le voyage s'est bien passé et je suis heureuse que vous ayez eu l’amabilité de m'accueillir chez vous, répondit-elle en le regardant droit dans les yeux.
- Voyons, appelez moi George !
Perturbée par autant de familiarité, la jeune femme ne répondit pas.
- Voulez-vous un café ? Un chocolat chaud ? Une bière ? Ou encore un jus de pomme ?
- Un café ça ira.
- Du sucre ? Du lait ?
- Un café sans rien s'il vous plaît.
- Victoria, apporte-nous un café et une Westmalle triple s'il te plaît ! cria-t-il en interpellant la première servante qu'il vit, alors, comme ça vous rentrez à l'université Royale ? C'est une très bonne école, j'y suis moi-même allé.
Esmée acquiesça vaguement. Victoria arriva avec le café et elle se réchauffa les mains sur la tasse brûlante et après avoir bu le breuvage amer, la reposa sur le plateau.
- Je vois que vous êtes fatiguée, Victoria va vous montrer votre chambre et restera à votre disposition durant toute l'année.
- Merci Mons... George, se reprit-elle. Une fois dans sa chambre, elle se remémora la discussion qu'elle avait eu la veille avec sa mère et sortit sa lettre de recommandation.
- Pourriez-vous vous charger de me trouver un petit boulot d'étudiante en montrant cette lettre ? Pas besoin de préciser que je fais partie de la noblesse. Je ne veux pas de traitement de faveur, dit-elle en tendant la missive à Victoria.
La servante opina puis se retira. Esmée s'allongea sur le lit moelleux et s'endormit aussitôt, effectivement, elle était fatiguée.
Chapitre 3[]
« Bonjour à tous et à toutes, vous êtes venus ici pour une seule et même raison : progresser. Je passe le mondanités et vais directement à l'essentiel. Vous avez tous passé des examens d'entrée qui ont permis de sélectionner les meilleurs d'entre vous, vous êtes supérieurs aux autres, plus intelligents, plus forts, plus déterminés et plus rusés. Vous êtes promis à devenir de grand hommes, de grandes femmes, des scientifiques, des politiciens, des inventeurs, ou je ne sais quelle célébrité. Depuis des siècles et des siècles, nous éduquons des nobles et regardez ce qu'ils sont devenus : Ashton Parkes, décisionnaire du roi et de la reine et ensuite président de la Bulle N°3 ; Jesse Mildred, commandant de la garde Royale ; Ruth Barton, inventrice en chef de la Bulle N°1, et j'en passe. Vous passerez 6 ans de votre vie dans cette université, les deux premières années seront générales, en moyenne 25 heures par semaine. Je sais c'est beaucoup, mais vous devez être et serez les meilleurs. Dès la 3ème année, vous serez divisés en 5 branches : les scientifiques, les inventeurs, les sportifs, les polyglottes et les mathématiciens. Ces 5 branches sont présentes dans toutes les écoles, et tous les 2 ans, les élèves de dernière année de chacune des universités établies dans nos 10 Bulles sont réunis et tout citoyen majeur vote pour cinq de ces personnes, une de chaque branche. Ces cinq heureux élus deviendront les adjoints personnels du roi et de la reine et les grandes décisions leur reviendront. Vos parents et nous vous offrons la chance de votre vie, à vous de la saisir. Bien, les cours commencent dans 3 minutes alors je vous laisse. »
Après son long discours, quelques bâillements se firent entendre mais le vacarme que les élèves faisaient en se levant puis se précipitant vers la sortie les couvrirent. Esmée ramassa son sac et essaya de rattraper le troupeau d'étudiants lorsque le directeur reprit la parole.
- Et oui, j'allais oublier, je souhaiterais que Mesdemoiselles Belcher Esméralda, Andrew Eleanor et Kate Prudence me rejoignent dans mon bureau après les cours.
Intriguée mais ayant peur d'arriver en retard à son premier cours, la jeune femme s'élança précipitamment vers la sortie et trébucha sur la bordure du trottoir. Elle s'étala de tout son long sous les rires bêtes des autres étudiants. Un professeur arriva, l'air agacé et fit taire les garçons d'un petit geste de la main.
- Mademoiselle, vos cours commencent dans une minute alors je vous conseille de presser le pas, la houspilla-t-elle .
Elle accepta avec reconnaissance la main que la grande femme lui tendait et se releva en vitesse, tentant de garder un semblant de dignité. Le professeur lui fit un petit sourire puis s'en alla, le martellement de ses talons aiguille résonnant encore quand elle eut quitté l'auditorium. Esmée traversa la grande cours de gravier lorsque quelqu'un lui agrippa le bras.
- Attends-moi, fit une voix essoufflée, tu vas aussi en biologie ? Son interlocutrice se retourna, devant elle se tenait une étudiante de petite taille, blonde avec des mèches bleu vif. Esméralda acquiesça.
- Je suis Bess, allez viens on va arriver en retard !
Elle tira Esmée - qui n'avait pas encore prononcé un seul mot - et courut vers le local où un petit cadre rose indiquait :
Local de Madame Lisbeth
Rappel : Interdiction de fumer, boire ou manger. Les couvre-chefs ne sont pas acceptés dans l’enceinte de l’établissement.
Esmée fronça son petit nez recouvert de taches de rousseur, elle ne supportait pas l'odeur de la cigarette et était bien contente que ça soit interdit. Elle ouvrit la porte en faisant le moins de bruit possible. Laissant passer Bess, elle la suivit jusqu'à deux places libres. En s'asseyant, Esméralda fit tomber sa farde.
- Mademoiselle Francis et son amie, une remarque dans votre dossier disciplinaire ! Prenez votre cours et débrouillez-vous pour suivre ! cria Madame Lisbeth depuis son estrade.
Bess soupira et fit une petite grimace. Elle se pencha vers sa voisine d'en face.
- Pssst, Esther ! Quelle page ?
La jeune femme en question fronça les sourcils d'un air bougon et grommela.
- Page 173.
- Merci ! s'exclama-t-elle un peu trop bruyamment puisque le professeur se retourna.
- Là c'est trop ! Francis, sortez ! Et vous mademoiselle Belcher, choisissez mieux vos fréquentations !
Emsée adressa un sourire contrit à sa camarade et sentant les yeux de Mme Lisbeth rivés sur elle, se pencha sur son cours.
- Les procaryotes (du grec, pro : avant et karyon : noyau) sont des êtres unicellulaires, dépourvus de noyau et bordés d'une membrane. Leur matériel génétique est libre dans le cytoplasme, non limité par une enveloppe nucléaire; il forme un nucléoïde. Les procaryotes sont essentiellement ...
N'étant pas intéressée par la biologie et encore moins par la biologie cellulaire, la jeune femme passa son temps à se ronger les ongles, angoissée et impatiente d'arriver à la fin de la journée. Que pouvait bien leur vouloir le directeur ? Y avait-il un problème dans le formulaire d'inscription qu'elle avait rendu l'année précédente ? L'avait-il seulement reçu ? Toutes ces questions lui tournaient dans la tête l'empêchant de bien se concentrer. En fin d'après-midi, quand le son strident de la sonnerie retentit, elle gagna le bureau du directeur à grands pas.
- Mademoiselle Belcher ! Asseyez-vous, nous attendons encore Eleanor, fit-il en désignant un siège libre à côté de Prudence qui était déjà là.
Ils patientèrent encore 10 bonnes minutes mais la jeune femme en retard appela pour prévenir qu'elle était retournée chez elle après s'être évanouie. Monsieur Fordham puisque c'était ainsi qu'il s'appelait, prit place en face d'elles et expliqua la raison de leur venue ici.
- Rebonjour, je vous ai demandé de me rejoindre pour parler d'un projet monté par le roi. Bientôt comme vous le savez, ont lieux les six jours de la Lune. En cet honneur, le roi a organisé un concours, il a proposé à une université de chaque Bulle de créer un robot qui sera exposé lors de cette grande fête. La famille Royale votera pour celui qu'elle juge le plus esthétique et le plus pratique. Bien entendu dans cette Bulle c'est notre établissement qui a été sélectionné ; par ailleurs, nous avons nous même fait un choix pour que notre invention soit unique : nous avons tenu à ce qu'elle soit créée non pas par des élèves de 6ème, mais de première. Nos trois étudiants les plus brillants en invention : Kate Prudence, Belcher Esméralda et Andrew Eleanor. Vous avez donc un mois et pas plus, pour inventer une chose splendide, magnifique. Em prime pour la victoire, une place chacune pour l'université Royale de la Bulle N°1, celle ou ont étudié et étudient encore de jeunes gens de sang royal.
Durant les dix secondes suivantes, aucune d'entre elles n'ouvrit la bouche, encore surprises et fières d'avoir été choisies pour représenter leur école. Plongées dans leurs pensées, elles ne virent donc pas Mr Fordham quitter le bureau et se retrouvèrent seules. Quand enfin Esmée reprit ses esprits elle consulta sa montre, 18h27 ! Elle se dépêcha de sortir du grand bâtiment et courut tout le long de son trajet, essayant de s'y retrouver dans le labyrinthe que formaient les rues de la Bulle N°4. N'ayant pas encore les clés, elle sonna. Victoria vint lui ouvrir et la conduisit directement vers la cuisine.
- Monsieur reçoit aujourd'hui, il s'excuse mais vous allez devoir manger ici.
Esmée acquiesça et s'assit sur un petit tabouret. Gladys, une des nombreuses cuisinières du manoir lui apporta un bouillon brûlant ainsi qu'une miche de pain et de la charcuterie (du jambon, du saucisson, du boudin, ...). La jeune fille, prise d'un haut-le-cœur, repoussa le plateau.
- Vous allez bien ? s'alarma Victoria, Mademoiselle ! Mademoiselle !
Esmée tenta de se lever mais le sol tanguait sous ses pieds. Blanche comme un linge, elle poussa un petit cri rauque puis tomba, évanouie.
Flash-back[]
« Esméralda ! Je suis là ma chérie, je suis là. Ne t'inquiètes pas, tout va s'arranger, papa va bientôt revenir et nous irons chez tonton Cyrus pour la fête de la Lune, il nous fera des gaufres avec du chocolat et tout redeviendra comme avant. Arrête de pleurer ma chérie, maman est là. »
La fillette serra son doudou et se pelotonna dans le T-shirt de sa mère puis se rendormit paisiblement.
Un an plus tard...
- Madame Belcher, quelqu'un demande à vous voir.
Depuis son fauteuil en velours vert, la maîtresse de maison leva la tête, l'air triste et épuisée.
- Faites-le entrer.
Elle reconnut la silhouette sur laquelle la porte s'ouvrit et attendit qu'elle fut assez proche pour s'écrouler dans ses bras. Elle ouvrit la bouche mais son interlocuteur la devança.
- Constance, je... , commença-t-il.
- Où est-elle, où est ma sœur ? Je veux la voir tout de suite !
- Écoute-moi mon amour, Grace est... , l'homme prit un grande inspiration et poursuivit, Grace n'est pas revenue de... de sa mission.
- Et Ralph ? fit la femme en contenant à grande peine ses larmes.
- Lui non plus, murmura son mari, mais leur fille n'a pas été trouvée, je l'ai prise avec moi.
- Oh Cyrus, ou est-elle ? La pauvre elle n'a même pas 2 ans !
- Elle dort dans la voiture.
Constance passa devant son majordome sans même lui accorder un regard courut sur ses jambes amaigries vers l'auto sous le regard attendri et mélancolique de son époux. Elle prit le bébé dans ses bras et se mit à lui chanter une berceuse.
- Elle va dépérir sans ses parents, dit-il tout bas.
- Nous allons l'adopter, je l’élèverai comme mon propre enfant et elle ne manquera de rien.
- Comment lui dirons-nous la vérité ? Et quand ?
- Ne t'inquiètes pas pour ça Cyrus, elle le saura le moment venu. "
Chapitre 4[]
La grande porte en bois de l'hôpital N°28 s'ouvrit dans un léger grincement, jetant un froid dans le hall d'entrée. Sans tenir compte des regards curieux ou malveillants que portaient sur elle peu de personnes présentes dans la salle, la femme qui venait d'entrer se dirigea d'un pas vif vers la réception.
- Bonjour, je suis pressée et je cherche Esméralda, sauriez...
- Troisième étage porte 34, la coupa sèchement la réceptionniste en la toisant d'un air hautain.
Grande et mince, ses cheveux blonds clair coupés courts et ses traits anguleux faisaient penser aux méchantes reines que l'on rencontre dans les films pour enfants.
- Euh, pourriez vous m'indiquer l'ascenseur s'il vous plaît ?
- Là, juste devant vous, il est écrit ASCENSEUR en grand au-dessus ! invectiva-t-elle visiblement agacée.
Étonnée par un tel comportement, la femme ne répondit pas et disparut dans l'ascenseur sans manquer de marmonner quelques insultes à l'intention de cette "vieille mégère". Lorsqu’elle arriva au troisième et dernier étage, elle s'étonna de constater que l'hôpital était encore décoré à l'ancienne ; haut plafond, murs en pierre taillée grossièrement et petites portes en bois à la poignée en or rouillé depuis quelques temps. Devant chacune de celles-ci, une petite cloche en aluminium reliée à un appareil sonnait dès que le rythme cardiaque de l'hospitalisé baissait. Un autre cloche plus petite dans une matière ressemblant à du bronze disposée à côté de la première était quant à elle reliée à un bouton d'alarme et permettait au malade d'appeler à l'aide en cas de besoin. Constance passa devant la pièce où logeait sa fille sans s'en rendre compte, absorbée par l'admiration que lui inspirait ce bâtiment que l'on pouvait presque qualifier d'antique. Ce ne fut qu'au bout du long couloir, en trébuchant contre un pan du tapis, s'arrachant à sa contemplation qu'elle s'en aperçut. Elle rebroussa chemin et toqua à la porte. N'obtenant pas de réponse, elle entra. Esméralda, inconsciente reposait sur le lit à baldaquins qui trônait au milieu de la pièce. À son chevet, un jeune infirmier à l'air concentré l'examinait à l'aide d'un stéthoscope. Il prit ensuite sa température et se dirigea vers la sortie quand il remarqua la femme qui se tenait anxieuse devant lui.
- Elle... Elle a quoi ? osa-t-elle enfin demander.
- De la fièvre. Beaucoup trop, ce n'est pas normal. Pour l'instant sa respiration est régulière mais si ça continue comme ça... il n'eut pas besoin de terminer sa phrase pour que Constance comprenne.
Elle fondit en larmes.
- Je ne comprends pas, ce n'était qu'un simple malaise... bredouilla-t-elle.
- Un simple malaise qui s'est transformé en coma Madame, peut-être devriez-vous vous entretenir avec le personnel de Mr George, il saura probablement vous avancer sur la raison de ceci. Je suis navré mais je dois me retirer. Bonne fin de journée.
Sur-ce, il sortit, claquant la porte derrière lui. Constance, ne sachant que faire s'agenouilla aux pieds de sa fille, fouilla dans son sac et en sortit un petit appareil. Elle activa l'écran brunit de celui-ci qui il vira au rouge clair puis afficha une liste d'images. Grâce à un petit bouton sur le côté, la femme sélectionna une d'entre elles. Une voix grésillante s'éleva de l'appareil.
- Ici Monsieur Fordham, directeur de l'université de la Bulle N°4 de la Haute Noblesse, que puis-je faire pour vous ?
- Bonjour, je suis Constance Belcher, la mère d'Esméralda. Je vous appelle pour vous prévenir que ma fille ne pourra pas venir en cours pendant au minimum un mois. Elle... Elle n'est pas bien.
- Je comprends Madame, je vais prendre le soin de prévenir ses professeurs mais, si ce n'est pas trop indiscret, qu'a donc votre fille ?
- Elle est dans le coma, débita-t-elle d'une traite.
- Toutes mes excuses, nous enverrons ses cours complétés afin que quand elle se réveille elle puisse se rattrape, bredouilla le directeur gêné.
- Merci, merci beaucoup Monsieur.
Puis, sans lui laisser le temps de répondre, elle ré-appuya sur le bouton et l'écran reprit sa couleur initiale. Constance rangea l'appareil dans son sac et se leva. Elle déposa un léger baiser sur le front de sa fille et se dirigea vers la porte. À ce moment là, celle-ci s'ouvrit sur un grand et gros monsieur ainsi que sur une silhouette plus petite mais toute aussi large.
- Constance, vous tombez bien ! s'exclama George. J'étais justement en train de parler de vous à Victoria, fit-il en désignant le deuxième silhouette qui s'avérait être la servante attitrée d'Esméralda.
- Comment ? questionna Constance le regard rivé sur eux.
Toussotant, George donna un léger coup de coude clairement significatif à Victoria. Elle jeta un coup d’œil à la grande femme intimidante qui se tenait devant elle puis se lança.
- Il était tard, environ 18h45. Monsieur était en réunion quand Mademoiselle est rentrée alors je l'ai amenée dans la cuisine pour prendre son dîner. Gladys le lui a apporté et là... Elle a repoussé le plateau et elle s'est évanouie. J'ai fait le plus vite que j'ai pu. J'ai appelé l'infirmière qui habite un rue à côté. Elle a dit qu'elle ne pouvait rien faire et a une ambulance est arrivée. Ils l'ont emmenée Esméralda jusqu'ici et... elle balaya la pièce de la main et et attendit la réaction de Constance.
Celle-ci, soudain très mal prit une grande inspiration et sortit de la pièce. Elle se précipita en-dehors de l'hôpital et prit le premier funambus vers la Mini-Bulle N°21. Une fois arrivée chez elle Constance monta dans le grenier et fouillant dans le bazar, sortit une petite boite en bois aux bords abîmés. Elle l'ouvrit et une épaisse couche de poussière s'envola. À l'intérieur de la boite se trouvaient plusieurs lettres chiffonnées ainsi qu'un tube en verre ternit rempli d'une substance noire liquide. Secouée de spasmes, elle tremblait et des larmes coulaient le long de ses joues. Elle se saisit fébrilement du tube et en fit couler une goutte dans sa main. Dès qu'il entra en contact avec sa paume , le liquide se solidifia, formant ainsi une petite pilule noire. Elle l'avala d'un coup et respira profondément. Quand elle se fut calmée, elle sortit une fine feuille en papier ainsi qu'un petit stylo bleu marine ligné doré et se mit à écrire.
" Grâce,
Cela
faisait plusieurs années que je n'avais plus fait de crise mais
aujourd'hui j'ai lâché. Si tu pouvais savoir comme tu me manques. Je ne
sais pas si je pourrai encore tenir longtemps. Esméralda est tombée dans
le coma. La seule qui me persuadait de rester en vie. Pour elle. Pour
toi. Mais je n'ai plus la force. Je ne sais pas quoi faire. Les menaces
du passé que je pensais disparues ressurgissent les unes après les
autres. Peut-être la mort est elle préférable à la vie humaine ?
Peut-être la mort est-elle préférable à tout ? J'ai besoin de réponses.
Sans quoi... Je n'ai plus la force d'écrire. Plus la force de continuer.
Alors je t'en supplie... Aide-moi
Ta sœur"
Elle déposa la lettre dans la boite par-dessus toutes les autres, posa son stylo et descendit se faire une tisane.
*
Des voix. De la lumière. Trop de lumière. La voix s'approche. Elle paraît angoissée. Un hurlement. Au-dessus d'elle une main s'agite. Elle se sent soulevée. On l'assied et on lui tend un verre d'eau. Elle tente de se redresser pour le saisir mais une douleur fulgurante à l'arrière du crane la fait retomber lourdement. Puis tout redevient noir.