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Cette histoire a été écrite par HyperSam


Catégorie Ecrivain
L'auteur souhaite savoir tous les éléments et détails qui pourraient améliorer son style d'écriture. Il demande à être jugé comme serait jugé un véritable auteur.

Cette histoire ne sera sans doute jamais terminée.

Crystal est un récit de Fantasy écrit par HyperSam et est sa première histoire écrite sur ce wiki, mais pas sa première. D'ailleurs, elle a reçu d'immenses rénovations en automne 2019. Quoi qu'il en soit, ce récit, titré L'Appel, est le premier tome de la saga Phospharin, grandement inspiré du Seigneur des Anneaux et qui est la première grande série littéraire dans l'univers des Légendes d'Asharia. C'est aussi un cycle tirant vers l'Heroic Fantasy. Bref, l'histoire suit les aventures de la bande formée d'Icarion, héritier du trône de la race des hommes, Tamara, jeune fille guerrière, et Rorim, dernier représentant de la race des renards à trois queues sur le continent d'Eranne. 

Synopsis[]

« Apprenant qu'il est l'héritier du trône d'Yria, royaume de l'ouest, Icarion fuit la forêt où il a grandit, ne voulant pas de cette vie. Au nord, Rorim, jeune renard à trois queues, erre de par le monde, à la recherche de sa famille. Entre temps, Tamara, jeune fille au caractère bien trempée dont le père avait juré allégeance au roi d'Yria tente de résister à l'occupant orque. Cet improbable trio se verra confier une mission par le jeune mage Séron : retrouver les légendaires phospharins dispersés autour d'Eranne, et ce, avant qu'ils ne tombent entre de mauvaises mains. Heureusement, Rorim semble avoir une idée d'où ils se trouvent...

« Depuis la dernière grande guerre qui opposait l'alliance des peuples d'Asharia contre le Fléau Ardent et son maître, le dieu déchu Témnor, la paix s'émiette peu à peu. Une nouvelle période de noirceur et de souffrance s'annonce...

Avant-propos []

Bonjour, cher lecteur, et merci de lire ce livre. Ce fut d'ailleurs la première grande histoire d'envergure que je mis en chantier. Pour parler de sa genèse, j'ai commencé tous les travaux sur cette Phospharin lorsque j'avais 14-15 ans. Néanmoins, comme vous pouvez vous en douter, l'histoire était franchement loin de ce qu'elle est aujourd'hui.

Au départ, elle était titrée La Légende de la Chambre de Cristal, et l'intrigue, l'ambiance et l'univers étaient tout à fait différent de l'Eranne actuel. En effet, il y avait cinq mondes, tous reliés entre eux par des portails, portails qui ne s'ouvraient que par la volonté de la Chambre de Cristal, lieu étrange et mystérieux existant entre les mondes. Toutefois, un peu avant les événements de l'histoire, le dernier gardien de la chambre est disparu dans d'étranges circonstances, provocant le chaos à travers les mondes, soit Terria, notre monde, Loncégare, un monde à l'ambiance moyenâgeuse où ce sont des animaux humanoïdes qui y vivent, Malir, un monde qui flotte dans le ciel, Sorgoth, un monde maudit, puis enfin Eranne, qui devint le monde de l'histoire d'aujourd'hui.

Mon héros, un chat venant de Loncégare (ne riez pas, j'étais un fan de la série de jeux Sonic the Hedgehog) était en fait l'héritier du gardien de la Chambre de Cristal, et accompagné de ses deux amis, devait parcourir les mondes à la recherche des cristaux perdus, cristaux qui permettent d'ouvrir les portails entre les mondes et que seul le gardien peut contrôler.

J'avais écris une première version, pleine d'incohérences, donc j'ai décidé de réécrire. J'étais donc assez satisfait de cette nouvelle version et souhaitais continuer, mais mon père fit un redémarrage complet de l'ordinateur où se trouvait mon fichier, donc j'ai tout perdu...

Découragé, j'ai arrêté j'écrire pendant assez longtemps, jusqu'à l'année derrière. Ayant de nouveau envie d'écrire, je repris mon vieux concept, mais en apportant cependant de nombreux changements. Adieux les cinq mondes, j'ai conservé Eranne. D'ailleurs, ayant lu entre temps Le Seigneur des Anneaux, j'ai décidé de rapprocher mon histoire de celle-ci, même si je conservais certaines choses comme les cristaux. Aussi, mon protagoniste chat est devenu un renard à trois queues, Rorim. Néanmoins, cette fois, je titra l'histoire Crystal, mais je me rendis compte après 17 chapitres des nombreuses incohérences, donc j'ai décidé de tout rénover. Dans cette rénovation, la dernière en date, Tamara a vu le jour, et les cristaux sont devenus les Phospharins, tout comme le titre d'ailleurs.

Voilà pour l'anecdote. J'espère que cela vous donnera envie de découvrir le monde mystérieux, merveilleux mais aussi cruel de Phospharin. Aussi, j'espère que vous aurez autant de plaisir à lire que j'ai à écrire.

Sur ce, bonne lecture !

Prologue[]

Le soleil disparaissait doucement derrière les collines, les effleurant de ses derniers rayons très doux, tandis que la nuit tombait peu à peu sur la vallée, effaçant les couleurs de ce début de printemps au profit de l’obscurité. Quelques petits animaux tels que des écureuils, parfois noirs, roux, marrons foncés ou clairs, passaient en courant ou encore en trottinant sur un très vieux chemin de gravier et de poussière qui serpentait exactement au milieu des collines, chemin ancien et très lourd de son riche passé. En effet, divers rois de différentes nations, peuples et races l’avaient déjà foulé, mais tous pour différentes raisons. Pour des serments d’alliances, pour du commerce, pour des guerres... Aussi, de grosses pierres bordaient le chemin, pierres couvertes de végétaux comme du lichen. De plus, d’autres plantes tels que des lys sauvages, des bruyères ou différents types de buissons poussaient près d’elles, tandis que leur parfum tournait dans l’air du soir. Parfois, le chemin pouvait aussi être bordés d’arbustes ou d’arbres dont le feuillage tantôt vert, tantôt pourpre se dressait contre les rayons du soleil le jour et accueillait la lumière de la lune la nuit.

Quoi qu’il en soit, en ce début se soirée où l’air était frais, le chemin, réputé pour être très fréquenté, était étrangement désert. Tout à coup, une grande clameur  se fit entendre au loin, et avec elle, un cortège s'avançant sur le vieux et poussiéreux chemin. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards même suivaient et allaient devant le grand char du roi Eron le troisième, roi actuel de la dynastie des Dorwann de même que roi de la race des hommes et du royaume d’Yria, siège des hommes. La clameur d’ailleurs provenait des chants que récitaient les très nombreux membres du cortège qui s'avançait. En effet, pour les gens de la race des hommes et encore plus pour la maison de Dorwann le Grand, fondateur de la dynastie éponyme, il était coutume de se remémorer les rois défunt, et ce, une fois à chaque année. La fête avait toujours lieux au printemps, lorsque la neige terminait par disparaître dans les collines et lorsque les fleurs, arbustes, buissons et autres végétaux recommençaient leur croissance. Aussi, la fête commençait toujours par une cérémonie des prêtres d’Unianir, le Grand dieu, au cimetière de la ville, situé dans la clairière aux lucioles d’une forêt sans nom située quelque part dans les collines, puis, lorsque la nuit tombait, le cortège retournait à la ville, Tel'Arma, et tout ce monde, vieux, jeunes et moins jeunes et même riches et pauvres sans discriminations, participaient à l’immense banquet qui était donné dans la grande salle du château du roi, salle qui était d’ailleurs prévue pour les fêtes de toute sorte.

Plus tard durant la soirée, la fête battait son plein. Les convives se régalaient avec les différents plats de viande comme du porc, du canard, du poulet, du sangliers ou autre qui étaient servis, les diverses sauces, soupes, plats de fromages, de légumes et de fruits et bien d’autres merveilles succulentes et savoureuses toutes concoctées par l’équipe de cuisiniers du château. Des alcools tels que de la bière furent aussi servis, au grand bonheurs de tous ceux qui étaient là, mais surtout des hommes. Peu de temps après, des danseuses au teint pâle et à la très longue chevelure blonde ou noire commencèrent leur numéro, virevoltant de gauche à droite, leurs très longs rubans bleus s’enroulant puis se déroulant autour d’elles. En fait, le brouhaha avait beaucoup diminué dans la salle, de nombreux convives admirant en silence les prouesses des artistes et écoutant la musique qui les accompagnaient, jouée par les musiciens du roi. Plus tard encore, les danseuses quittèrent la salle sous les applaudissements de la foule et laissèrent place à des comédiens qui jouaient des moments clés de l’histoire des hommes et du royaume d’Yria, entrecoupés par un numéro de jongleurs et d’acrobates. Néanmoins, la reine Lonin se mit à se sentir bizarre, comme nostalgique. Elle qui aimait beaucoup les festins, banquets et les fêtes d'habitude, elle trouvait étrange de ne pas être capable de profiter des célébrations cette année. En effet, ne se sentant pas à sa place, elle décida de se retirer histoire de se changer les idées. Sous un prétexte quelconque, elle sortie alors de la grande salle où le banquet continuait de plus belle.

La reine se promena quelque temps, autour d’une vingtaine de minutes pour être plus précis, dans les grands couloirs du château, où les murs de pierre se trouvaient couvertes d'immenses tapisseries brodées de fils d'or et d'argent et ornées de pierres précieuses qui représentaient les rois de jadis ou des personnages de légendes. Elle sourit en regardant ces œuvres, car elle les avaient elle-même brodées peu après son mariage avec le roi Eron, c’est-à-dire il y a environ trois ans. En effet, Eron était très jeune pour un roi malgré qu’il avait déjà atteint la quarantaine. Lonin, elle, était beaucoup plus jeune, mais elle avait un air énigmatique qui rendait presque impossible la découverte de son âge. Chevelure noire charbon de longueur plutôt moyenne, yeux bleus et regard directe, elle portait une grande robe de satin couleur argent de même que sa couronne royale sur la tête. D’ailleurs, lorsqu’on la regardait, l’on comprenait pourquoi le roi Eron était tombé sous son charme même si elle n’était qu’une fille du peuple et non de sang royal : Elle avait le teint pâle, presque couleur neige, de même que la peau très lisse et elle était en plus incroyablement belle. De ce fait, de nombreuses personnes auraient pu croire qu’elle n’était pas humaine mais elfe.

Bref, quel ne fut pas son étonnement lorsqu'elle aperçu une lueur bleuâtre qui flottait au milieu d’un passage sous une immense arche de pierre grise, arche dont le couloir qui y menait était bordé de nombreuses colonnes d’argent. La chose, qui semblait vivante, flottait tranquillement tout en continuant de disperser sa lumière bleue, faisant briller les colonnes d’argent autour d’elle. Lorsque Lonin se rendit compte que la masse flottante l'appelait, elle se rappela alors ce que les légendes racontent sur les feux-follets, ces esprits qui reviennent parfois vers les vivants pour leur montrer le chemin de leur destinée. Elle fut d'ailleurs bouche-bée lorsqu'elle comprit que la lumière qui flottait devant-elle était un feu-follet. Il y eu tout à coup un courant d’air et la chevelure de la reine se mit à danser dans les airs, entraînée par le vent.

Lorsqu'elle s'approcha de celui-ci, elle vit qu'ils y en avait plusieurs identiques qui se suivaient, flottant dans le couloir et formant un chemin comme s’ils voulaient que la reine Lonin les suivent. Sans plus attendre, c'est ce qu'elle fit. La chaîne des feux-follets passait à travers de nombreux couloirs obscurs du château, bordés encore et toujours de magnifiques tapisseries ou peintures, montait un grand escalier de marbre en colimaçon, puis enfin s'arrêtait devant la chambre du couple royal, chambre située au troisième étage. Hésitante, Lonin s'arrêta elle aussi devant la porte, sans comprendre ce qui se passait. Cependant, elle se demandant se qu’elle attendait, elle se ressaisit et entra dans la pièce, car son instinct semblait lui dire d’y entrer. Tout était normal. Le grand lit du couple royal, recouverts de diverses couvertures luxueuses, était à sa place dans un coin de la pièce, ayant en plus des coussins de fil d’or, puis venait près de lui un foyer en pierre imposant sur le bord du mur où était sculptés de nombreuses créatures de légende tels que des Phoenix, des dragons, ou autre. D’autres tapisseries représentant le couple royal ou encore l’enfant à lequel la reine souhaitait de tout son cœur donner naissance complétaient le tableau.

Néanmoins, Lonin devint inquiète lorsque après avoir contemplé la salle, ses tapisseries et autres décorations et ornements, elle réalisa qu’un feu crépitait dans le foyer, dispersant une chaleur agréable qui était plus que bienvenue. Cependant, ce feu, personne ne l’avait allumé, car personne n’était venu dans cette chambre en cette soirée avant elle. D’ailleurs elle se posa cette question : Pourquoi les feux-follets l’ont guidés dans sa propre chambre ?

- Bienvenue ma fille, dit une voix profonde derrière elle.

- Qui... Qui êtes-vous ? Demanda Lonin, qui hésitait à se retourner, effrayée.

- Retourne toi mon enfant, et tu verra, répliqua tout simplement la voix mystérieuse.

La reine se retourna alors, mais ce qu'elle vit la troubla. En effet, une silhouette translucide et trouble se tenait là, devant elle. Dévisageant l’apparition, elle réalisa que c’était un vieillard richement vêtu, et cru avoir une crise cardiaque ou avoir le souffle coupé lorsqu’elle reconnu son grand-père.

- N’ai pas peur, ma fille, je suis là pour t’annoncer un grand bonheur, de même qu’un grand malheur, déclara t-il avec un air très sérieux qui passa du sourire à la tristesse.

- Grand-père ?

- Bientôt, tu mettra au monde un fils, un fils promit à régner sur ce royaume après son père. Néanmoins, des malheurs viendrons, sans artifices et sans exagérations, briser la paix sur cette terre.

Lonin avait de la difficulté à comprendre ce qui se passait, mais elle fut heureuse d’apprendre qu’elle allait avoir un fils, au point qu’elle ne pensa même pas aux malheurs annoncés par l’apparition. Cependant, celle-ci repris :

- Les ténèbres tomberont sur Yria, et Asharia tout entier sombrera dans une guerre sans fin, où les amis s’attaqueront entres eux. Pire, l’amitié n’existera plus dans ce monde. Tout ne sera qu’œil pour œil et dent pour dent. D’ailleurs, le Seigneur des douleurs luttera pour revenir, alimenté des péchés des hommes, de leurs mensonges, de la haine...

- Quand cela arrivera t-il ? interrompit la reine.

- Ça, personne ne le sait et je ne peux vous le dévoiler, mais soyez sur vos gardes, veillez, restez éveillés, car les malheurs arriveront plus vite que ce que vous croyez et pourront bien vous surprendre...

Il y eu un bref moment de silence. Lonin se mordait la lèvre supérieure, se demandant bien ce qu’elle pourrait dire. Néanmoins, le spectre de son grand-père se sentit troublé pour une raison inconnue. Il reprit la parole.

- Adieu ma fille, dit-il en baissant les yeux.

La vision disparu aussi abruptement qu’elle était apparue, laissant Lonin en réflexion. Elle pensait au mystérieux message laissé par l’apparition, mais des larmes lui coulèrent sur le visage. En effet, son grand-père qu’elle aimait était mort d’une manière très obscure alors qu’elle était très jeune. Le revoir l’avait émue. Toutefois, coupant court à sa réflexion, elle décida enfin de retourner à la fête et de faire part du message de l’apparition au roi, son mari.

Quoi qu’il en soit, au cours des jours qui suivirent, la reine tomba enceinte, comme la vision l’avait annoncé, confirmant à Lonin qu’elle n’avait pas rêvée, que c’était bien réel. Malheureusement, des rumeurs de guerre commencèrent à se propager dans le royaume des homme, Yria. D’autres rumeurs, elles, disaient carrément que les dieux étaient disparus, abandonnant leur peuple, les laissant dans le désespoir. D’ailleurs, les tensions commerciales se formèrent avec différents autres royaumes, faisant chuter drastiquement l’économie d’Yria et plongeant ses habitants dans la misère la plus profonde. Des tensions se forgèrent dans le royaume même, car de nombreuses personnes accusaient le roi Eron, pourtant réputé pour être sage et bon, d’être responsable de leur misère. Bientôt, ce fut des cambriolages, des meurtres, des attentats qui prirent place. L’armée de sa majesté était dépassée par les événements, laissant le chaos s’installer sur Yria. Voyant ces troubles, la reine vit que les malheurs annoncés par l’apparition arrivaient eux aussi.

Lorsqu’elle eu son fils, un bel enfant au teint assez foncé, à la chevelure noire et aux yeux bleus comme elle, elle décida de le nommer comme son grand-père et elle le confia à Séron, son conseiller pour qu’il le cache, car elle était sûr que la paix qui ne tenait maintenant plus qu’à un fil pouvait être brisée d’un instant à l’autre et que la guerre pouvait s’emparer du monde sans crier gare. En effet, elle avait fait part de l’avertissement de son grand-père au roi son mari, mais celui-ci ne voulait pas la croire. Il n’arrêtait pas de dire qu’elle avait rêvé.

- Les feux-follets sont une invention apparaissant uniquement dans les mythes et les légendes, ma chère. En aucun cas ils ne peuvent êtres vu réellement !

- Mais je vous assure, mon roi, que je les aient vu ! Ils étaient là, devant moi, me montrant le chemin...

- Baliverne ! Vous avez sans doute hallucinée.

Le roi demeurait imperturbable, se flanchant pas. Il ne croyait pas non plus la reine lorsqu’elle lui fit part du message de l’apparition.

- Vous avez encore hallucinée, ma chère. Le nourrisson à lequel vous avez donné naissance n’est que le fruit de notre amour, rien de plus.

- Et les malheurs qui arrivent ?

- Cela devait sans doute arriver. Il n’y a eu aucune apparition qui a pu vous le révéler.

Lonin mit fin à ses tentatives lorsqu’elle comprit que son époux ne flancherait jamais, qu’il ne la croirait pas.    

Malheureusement, bien plus tard, les craintes de la pauvre reine du royaume d’Yria furent justifiés lorsque par un froid matin d’hiver, elle ne se réveilla que pour découvrir un pic de glace posé sur sa gorge et un être hideux la regarder avec mépris. D’un bleu-turquoise glacé, cette créature avait un regard effrayant à cause principalement d’une paire d’yeux qui semblaient exorbités.

Stupéfaite, la reine n’eut le temps de rien tenter pour se sortir de cette fâcheuse posture, car la créature qui était sortie de nulle part poussa avec force le pic de glace rugueux et celui-ci lui transperça la gorge. Elle sentit alors du sang chaud couler de sa gorge gelée et avant de mourir, de rendre son dernier souffle, elle eut encore la force d’entendre la créature hideuse dire des mots presque incompréhensibles.

« Le seul rôle des homme est d’être des esclaves. Sinon, ils ne méritent pas de vivre. Seuls les plus forts méritent d’être libre et de vivre ainsi librement. L’humanité n’est rien qu’un peuple faible. »

Ainsi commença la chute vers les ténèbres d’Yria, le royaume des hommes, envahie par surprise par des créatures, des orques de glace venus du nord. L’armée tenta en vain de se défendre, mais déjà affaiblis par la longue période de troubles et de chaos, ils furent encore plus déstabilisés lorsqu’ils apprirent que le couple royal venait d’être assassiné sauvagement dans leur chambre dans leur propre château alors qu’ils venaient tout juste de se réveiller. Les orcs envahissaient alors les rues des villes, les routes des vallées, tuant tout sur leur passage ou faisant de nombreux prisonniers.

Yria n’était donc plus le glorieux royaume des légendes. C’était maintenant un royaume déchiré par le feu, la glace et le sang. C’était aussi un royaume où la liberté n’existait plus, où la mort et la loi du plus fort régnaient.

...

Dans l’obscurité ambiante d’une salle étrange apparue une main plutôt maigre et fragile, recouverte de fourrure rousse et noire, tenant une torche. Cette main alluma une à une les différentes lanternes de l’endroit, aidée dans cette entreprise par bien d’autres mains recouvertes d’une fourrure similaire. La lumière des lanternes étendit son emprise peu à peu et illumina l’étrange salle, qui était en fait l’intérieur du tronc d’un vieil arbre géant. D’ailleurs, le bois des murs, qui dégageait une forte odeur de pourriture, était couvert de lichen et d’autres plantes grimpantes qui ajoutait de la verdure dans le décor. Dans la salle, des sortes de podiums avaient été sculptés à même le bois, comme si l’endroit servait d’amphithéâtre. D'ailleurs, le podium était divisé en deux, comme si deux groupes distinctifs y prenaient place. Bref, de très nombreuses silhouettes drapées de voiles de soie bourgognes se retrouvaient assis sur les différents sièges du podium, tandis que celles qui avaient allumées les lanternes restaient près d’elles pour les rallumer si le courant d’air faisait des siennes.

L’une des silhouette retira sa capuche et révéla une tête de renard roux qui portait une grande touffe de poils noirs sur la tête, comme si c’était une chevelure. Certains de ses poils partout sur son corps commençaient à blanchir, à se décolorer, démontrant qu’il n’était plus très jeune. Aussi, de grands cernes sous ses yeux blancs brillants dans la lumière des lanternes accentuèrent le fait qu’il était âgé, de même qu'il avait le dos arqué vers l’avant, comme s’il avait été plié par le temps, par les soucis et les problèmes que l’on rencontre au cours de sa vie. Néanmoins, suivant son exemple, les autres silhouettes retirèrent à leur tour leur capuche. L’on pouvait alors voir que toute la foule présente était des renard au pelage roux, se tenant comme des hommes et qui étaient plus précisément des mâles, comme si tout un conseil s’était réunit.  

L’ancien, comme les autres l’appelaient, toussa un peu afin de s’éclaircir la voix, qui était très profonde, puis prit la parole.

« Mes amis, mes frères, mes fils. Je crois que vous savez tous pourquoi nous nous sommes réunit. Oui, nous devons parler de notre avenir, qui s’assombrit de plus en plus. Cependant, commençons par rappeler un trait important de notre peuple. En effet, nous sommes une des rares nations à ne pas avoir été créés par la pensée et les mains d’Unianir, par son artisanat divin. En effet, comme j’espère que vous le savez tous, nous ne sommes qu’une espèce animale qui a prit conscience de son existence suite à des expérimentations ratées d’un magicien fou dont l’histoire, plus précisément les archives des elfes de Lune, ont considérés qu’il était mieux de ne pas conserver des traces de son nom. Certains diront au contraire que nous sommes presque divins, reflets des kitsunes et enfants Slarya, la déesse renarde. Moi je n'y crois pas. »

Il marqua une pause. Le silence, lourd, pesant, revint dans le tronc d’arbre creux, brisé de temps à autres par des murmures, démontrant que certains membres du conseil discutaient entre eux. Balayant l’assistance du regard, l’ancien soupira, puis reprit.

« Nos ancêtres s’étant réfugiés sans bruits, sans dire à personne qu’ils existaient, dans cette forêt profonde, la forêt que nous habitons encore aujourd’hui, cette douce et clémente forêt de Sylve-songe. Très peu d’autres peuples de notre monde savent que nous existons. C’est malheureux, mais nous révéler à la vue des autres races n’est pas une option, car certains d’entre nous, des membres du clan Rousse-Feuille ont déjà essayés, et ils en ont payés le prix fort, car les Orcs les ont massacrés. Cependant, j’ai ma petite idée sur la raison du massacre. »

Dans la salle, l’assistance ne faisait plus aucun bruit. Tous ceux qui étaient présents étaient suspendus aux lèvres de l’ancien. Ce dernier, balayant encore une fois la salle de son regard, fortement satisfait de l’effet qu’il produisait, poursuivit.

« Nous entrons maintenant dans le vif du sujet, le sujet de cette rencontre. Comme vous le savez sans doute, Ranor, notre valeureux chef de tribu, qui faisait tout pour calmer les différents entre nos deux clans, celui de Verte-Racine et Rousse-Feuille, est disparu il y a peu sans laisser de traces. Néanmoins, il a laissé derrière lui sa pauvre femme Ranna et son jeune fils de trois ans. Ce jeune renard innocent d’ailleurs, possède cet étrange don des cristaux, ce don magique recherché par bien des êtres, autant les bons que les mauvais. La magie divine d'Unianir coule dans ses veine, lui donnant un pouvoir qu'il ne contrôle pas encore et qui pourrait être dangereux. Voici donc ma petite idée sur la raison du massacre des nôtres par les Orcs : Ces créatures hideuses sont à la recherche du fils de Ranna, le fils que Ranor a laissé derrière lui ; ils veulent contrôler ses pouvoirs. »

L’ancien se tut, laissant ses nouvelles paroles faire leur effet. De ce fait, de nombreux murmures se firent entendre dans la salle et de nombreux autres renards avaient l’air perplexe. Il reprit son discours une nouvelle fois.

« Les Orcs ne nous ont pas encore trouvés, mais ce moment fatidique pourrait prendre place plus vite que l’on ne le pense. Pour l’éviter, voilà ce que je propose : Bannir Ranna et son fils dans les ruines de la ville humaine de Chos-Kanthis, en dehors de la forêt. »

Un renard couvert de cicatrices mais à l’air noble se leva de son siège, indigné. Ses yeux blancs et brillants lançaient des éclairs.

- Loin de moi de vous manquer de respect, Safior, mais ça n’a aucun sens ce que vous dites ! Ranna est enceinte ! Elle ne survivra jamais ! Comment s’occupera t-elle de son fils et de son futur nourrisson, seule, sans ressources, sans aide, dans l'environnement hostile de ces ruines...

- Je le sais Rowen, reprit l’ancien. Je sais ce qui risque certainement de lui arriver. Mais nous n’avons pas le choix. Mieux vaut sacrifier ces quelques êtres pour le salut de tout notre peuple. Néanmoins, si cela ne plaît pas à tout le monde, quelqu’un a une autre idée ?

Personne ne lui répondit, laissant la place au silence. Tous baissèrent la tête. Rowen se mordit la lèvre. Étant le frère de Ranna et donc l’oncle du petit renard qui était son fils et du futur nourrisson, il ne voulait que leur bien. Situation qui était décidément impossible à avoir.

Un peu plus tard, Rowen sortit du terrier de Ranna, des larmes coulant de ses yeux brillants. Regardant inquiet autour de lui, il semblait avoir peur que quelqu’un l’aperçoive. Toutefois, il n’y avait personne aux alentours. Soupirant, le renard se mira dans le petit ruisseau à proximité, puis prit ses jambes à son cou sans se retourner. À l’intérieur du terrier, Ranna pleurait. Elle avait été mit au courant par son frère de la décision irrévocable du conseil et en était désespérée. Pelage roux soyeux, yeux habituellement clairs mais actuellement mouillés de larmes, on comprenait qu’elle était enceinte lorsqu’on voyait son ventre prédominant.

« Ranor... Où est tu ? » se demanda t-elle, sans aucune réponse comme elle s’y attendait.

Un petit renard qui était son portrait tout craché se rapprocha alors d’elle en marchant avec quelque difficulté, démontrant qu'il ne marchait pas depuis très longtemps. Or, le petit renard avait un air inquiet sur son visage.

- Pourquoi pleure-tu, maman ?

Ranna saisit son fils et le serra contre elle avec tendresse et ferma ses paupières qui étaient lourdes.

- Je me fais du soucis pour ton père, c’est tout, répondit-elle.

- Où il est, papa ?

Des larmes coulèrent des yeux du petit renard. Reniflant, il tenta de les essuyer avec la fourrure de son bras, comme s’il ne voulait pas qu’elle le voit pleurer. Très fier, il voulait lui montrer qu’il était un grand garçon. Sa mère le serra encore plus fort contre elle, mais hésita avant de répondre.

- Je... Je l’ignore, répondit-elle finalement, nerveusement.

Ranna soupira. Le vent se leva à l’extérieur, comme pour accentuer le soupir. En entendant son mélodieux sifflement, le petit se mit à fredonner des bribes de musique qu’il connaissait. L’écoutant, Ranna sourit. Elle se mit à chanter avec lui un chant qu’ils chantaient ensemble assez fréquemment.  

Reviens, printemps joli
Faire fleurir nos rêveries
Oui, revient
Revient, printemps joli
Réchauffer le cœur de nos amis
Oui, revient.   
Revient printemps joli
Oui, revient
Revient

La mère et son fils répétèrent ce refrain plusieurs fois de suite. Le vent sifflait de plus belle, comme pour les accompagner de sa douce musique. Néanmoins, il s’arrêta lorsque le petit renard bailla puis ferma les yeux. Ranna le caressa puis lui chanta de sa voix claire une petite berceuse.

Ne pleure pas
Sèche tes larmes
Ton père reviendra
Délaissera ses armes
Ne pleure pas
Sèche tes larmes
Ton père t'aime
Et comme dans un poème
Reviendra soulager ton âme
Ne pleure pas
Sèche tes larmes
Ne pleure pas

La renarde se tut lorsqu’elle comprit que son fils s’était assoupi, comme le témoignaient ses yeux fermés et sa respiration bien régulière. Le posant sur sa couche, elle lui souhaita une bonne nuit, puis se dirigea hors du terrier et marcha lentement vers une clairière. Admirant le ciel sans nuage de cette magnifique nuit, Ranna se laissa aller à la rêverie sous une myriade d’étoiles qui brillaient au firmament.

« Ô Unianir, protège mes enfants... » murmura t-elle, émue.

Elle restait là sans bouger pendant un bon moment, les yeux humides. Néanmoins, elle se ravisa et retourna dans la forêt, maintenant silencieuse, entra dans son terrier, puis s’allongea sur sa couche, se livrant à l’emprise du sommeil.

Elegyleaf

Chapitre I[]

Un jeune homme se tenait debout sur le muret du magnifique pont de brique polie, patiné par le temps, muret qui était supposé servir à empêcher les personnes qui empruntent le pont de faire un faux pas et de tomber dans le torrent. Néanmoins, le jeune homme regardait l’horizon, songeur. Voilà dix-sept ans qu’il n’avait pas quitté ni cette cité ni cette forêt, la forêt d’Ombrefeuille, forêt des Elfes de Lune, lieux où il se sentait comme prisonnier, comme piégé. Il rêvait de ce fait de nouveaux paysages, de nouveaux horizons, de nouvelles limites, et surtout, de lumière. Vêtu d’une simple chemise de toile de coton bleu ciel et d’un court pantalon noir de la même matière, il portait aussi une veste en lin sans manches couleur sable par dessus sa chemise. Il avait le teint foncé, bien différent des êtres nocturnes qui l’entouraient, des yeux bleus et un regard direct de même qu’une longue chevelure noire charbon qui lui atteignait les épaules et dont des mèches rebelles s’amusaient à obstruer sa vue de temps à autres.


Devant lui, une magnifique cascade s’écoulait dans un lac à l’eau cristalline où se reflétait la lumière de la lune crépusculaire, appelée ainsi dans cette forêt car la nuit y était éternelle et qui se reflétait dans le lac destination du torrent. Néanmoins, l’eau qui s’écoulait dans cette cascade appelée la cascade d’Ordân, semblait chanter un chant faible mais clair qui rappelait au jeune homme quelque chose enfoui au plus profond de sa mémoire. Mais quoi ? Là était la question, et lui-même ne saurait y répondre. Or cela avait l’air d’être une berceuse. Peut-être était-ce la berceuse que lui chantait sa mère qu’il n’avait jamais connue lorsqu’il était jeune ?

La cascade au chant envoûtant se jetait dans le lac, lac qui était bordé de nombreux arbres, petits et grands, qui présentaient une palette de différents tons de verts très impressionnante. Aussi, ces arbres regroupaient des feuillages et aiguilles de toutes sortes, tandis que d’autres mettaient en vedettes leurs fleurs tantôt bleues, tantôt blanches.

Sinon, la pensée du jeune homme vagabonda maintenant vers un autre sujet : Qui était-il dans ce bas monde ? En effet, a dix-sept ans, il se sentait comme un étranger parmi ceux avec qui il vivait. Et pour cause. Lui avait la peau d’un beige tirant vers le doré alors que ceux qu’il côtoyait avait la leur d’une couleur particulière qui tirait plus vers le pourpre. Aussi, ceux-ci avaient des oreilles pointues alors que lui les avaient arrondies. Il voulait, désirait voir la lumière du jour, hors de cette nuit éternelle, mais ceux qui l’entouraient semblaient redouter la lumière du soleil, y préférant la lumière de la lune. Le jeune homme savait que c’était des Elfes, mais lui, qui était-il ? Réfléchissant de la sorte, il ne vit pas une grande silhouette habillée d’une grande grand manteau de satin noir brodé de fil d’or s’approcher de lui. Le nouveau-venu le regarda avec un regard plein de tendresse, mais le jeune homme ne lui prêtait aucune attention.

- À quoi songe tu, Icarion ? demanda t-il.

Le jeune homme ne bougea pas mais soupira. Une petite larme, comme une perle de rosée, s’écoula sur sa joue, puis sur son épaule, laissant une marque humide sur sa chemise.

- Je sais que je ne suis pas un Elfe de Lune. J’en ai la certitude depuis mes treize ans.

- Et donc ?

- Et donc, qui suis-je ? Pourquoi me maintenir prisonnier ici, me cacher qui je suis vraiment ? reprit Icarion en descendant du muret et en posant son regard sur son interlocuteur.

- Nous...

- Ô Soundar, je veux savoir. Pourquoi me cacher ? Pourquoi m’empêcher de voir le soleil ?

Icarion se tut. Il baissa ensuite sa tête et repoussa des mèches de cheveux rebelles qui se plaçaient devant ses yeux.

Le dénommé Soundar mit ses mains sur les épaules du jeune homme. Celui-ci releva la tête et le regarda dans les yeux.

- C’est une très longue histoire mon jeune ami. Notre invité la racontera bien mieux que moi.

Icarion parut perplexe.

- Un invité ?

- Viens, il nous attend d’ailleurs.

Ils parcoururent alors la cité, nommée Delune, marchant à travers les différents couloirs de pierre labyrinthiques et arrivèrent finalement a grande terrasse qui surplombait la rivière, cours d’eau qui quittait le grand lac. La terrasse se trouvait d’ailleurs à l’étage de la salle d’audience de la cité sur une grande plate-forme de marbre et de bois, qui était bordée de plusieurs arches de pierre. Elle était d’ailleurs à la moitié de la hauteur du tronc de Trissendil, l’Arbre de vie qui était le plus haut des arbres de la forêt d’Ombrefeuille, qui avait été jadis béni par Unianir lui-même et qui apportait paix et prospérité au peuple des Elfes de Lune. Trissendil avait presque été déraciné par les forces de Témnor durant la deuxième grande guerre que connue le monde, mais les Elfes le protégèrent farouchement. Aujourd’hui, il était en pleine santé.

La terrasse surplombait toute la cité de Déclipse. Construite en bois, en marbre blanc, en verre et décorée de pierre précieuses, la cité comptait plusieurs tours qui pointaient vers le ciel comme des flambeaux lumineux. Les arches, typiques de l’architecture elfique allaient et venaient dans la cité et jouaient aussi le rôle de murailles mais contrairement à elles, ouvraient leurs bras vers la nature. Le tout brillait dans la lumière d’un clair de lune pur et imperturbable. 

En arrivant à l’entrée de la terrasse, Soundar s’assit à table avec un homme qu’Icarion n’avait jamais vu. L’homme semblait avoir entre vingt et trente ans et était tout vêtu de bleu, portant une très longue chevelure noire et une barbe prédominante de la même couleur. Il avait un grand bâton d’or à la main qu’il tenait fermement et semblait regarder dans le vide, comme s’il réfléchissait.

- Assis toi, Icarion, dit Soundar en lui montrant une chaise de bois noir.

Sans dire un mot, le jeune homme se tira là-dite chaise et s’assit, puis le silence retomba pendant un instant. Néanmoins, Icarion se rendis compte que Soundar devait avoir organisé le repas du soir avec ce mystérieux visiteur, car bientôt, une elfe portant une grande robe bleu foncé s’avança, un plateau à la main. Deux pichets, l’un remplit d’une liqueur de myrtille sauvage et l’autre remplit d’un des meilleurs vins des elfes noirs se trouvaient sur le plateau, plateau dont l’elfe posa sur la table, proposant de ces breuvages aux convives. Ne supportant pas l’alcool, Icarion refusa poliment. D’ailleurs, il remarqua que l’homme mystérieux fit de même. Au contraire, Soundar accepta un grand verre de cette liqueur de myrtille. L’elfe repartie alors avec son plateau, laissant la place à un musicien, qui s’assit près de la table et se mit à jouer de son luth. Icarion se surprit à rêver, sous le charme de cette musique elfique qu’il aimait tant. Une autre elfe, à la chevelure tressée et portant une courte robe noire se joignit au musicien et chanta de douces vocalises, mêlant sa voix d’ange à celle plus grave du luth.

Un autre elfe arriva, portant un plateau de rôti de lapin accompagné d’une sauce aigre-douce au cassis et un plateau où se trouvaient divers fromages. Certains étaient crémeux, d’autres fermes. Au cours du repas, Soundar prit la parole.  

- Icarion, laisse moi te présenter Séron, l’un des trois grands sages du conseil des frères de la justice qui siège dans la tour de la loi à la Citadelle d’or, cette ville légendaire construite par Unianir lui-même au début des âges.

Icarion restait muet, mais dévisagea le visiteur. Séron demeurait impassible. Néanmoins, Icarion réfléchit : La Citadelle d’or ? Cela lui semblait à l’autre bout du monde. En effet, il avait entendu des légendes comme quoi cette cité avait été construite sur les ruines de Sacrejour et de Sacrenuit, les deux pays originels de l’Asharia primitif. Toutefois, le visiteur ne fit pas attention à lui. Séron et Soundar se mirent même à parler entre eux dans un langage elfique de telle sorte que le jeune homme ignorait ce qu’ils disaient, mais il comprit néanmoins qu’ils se disputaient, et la raison de cette dispute était le seul mot de cette langue que Icarion avait apprit. Ce mot était le verbe « révéler ». Icarion se demandait bien pourquoi Soundar et Franir se disputaient à cause de cette révélation quelconque, mais il ne savait pas ce qui allait être révélé, donc garda le silence.

Levant le regard, il vit qu’un nouvel elfe arriva, et que ce n’était pas n’importe quel elfe. En effet, c’était Uriel, le poète de la cité. Il s’avança et se mit à réciter certains de ses écrits sous le fond musical du joueur de luth et de la chanteuse, en commençant par un cantique à Unianir.

Ô Unianir !
Louange à toi tu es si grand
Dans ton infinie bonté
Tu nous délivre des méchants
Toi qu’à jamais nous allons adorer
Ô Unianir !
Tu as vaincu Témnor
Seigneur des douleurs
Sans aucuns remords
Pour nous éviter des malheurs
Ô Unianir !
Louange à toi tu es si grand
Dans ton infinie bonté
Tu nous délivre des méchants
Toi qu’à jamais nous allons adorer
Ô Unianir !

Après les applaudissements de l’assistance, Uriel, fier de son succès, reprit, mais cette fois-ci avec un récit connu de tous les elfes, l’histoire de Cérégorn, héros elfique de jadis.

Cérégorn était un sage
Il nous a sauvé
A repoussé les peuples sauvages
Il nous a protégé
Cérégorn était un héros
Il a arrêté des invasions
Et dans un allegro
A changé notre vision
Oui, Cérégorn était un grand elfe

Après quelques autres poèmes, Uriel quitta la terrasse, tandis que les musiciens continuaient de jouer leur douce musique d’ambiance. Soundar se tourna vers Icarion.

- Icarion, tu dois savoir quelque chose.

- Qu’est-ce que je dois savoir ? se risqua t-il à demander.

Sans aucune réponse, Soundar dirigea son regard vers Séron, qui prit alors la parole.

- Icarion, tu as dix-sept ans, ce qui signifie que tu es assez vieux pour comprendre ce qui se passe, de même que ce que tu es réellement...

- Que voulez-vous dire par ce que je suis réellement ? l’interrompit le principal intéressé.

- Et bien, le conseil des frères de la justice pensait que tu n’étais pas en âge d’apprendre ces révélations, mais moi et ton mentor croyons que oui. Donc, comme tu as sûrement dû le constater depuis longtemps, tu n’es pas un elfe noir. Tu n’es même pas un elfe tout cour. Tu es un être humain, mais pas n’importe lequel : tu es le prince héritier du royaume d’Yria, le royaume de la race humaine.

À ces mots, Icarion avala sa salive de travers et se mit à tousser en se frappant la poitrine. Se reprenant, il regarda le mage avec un regard interdit.

- Comment voulez-vous que je sois le prince du royaume d’Yria ? Si je le suis, comment est-ce que je suis ici, enfermé dans la nuit, pourquoi est-ce que je n’ai rien su sur ma véritable nature durant toutes ces années ?

- Icarion, calme toi, lâcha Soundar d’un ton sec pour tenter de le calmer.

- Vous ne comprenez pas, reprit le jeune homme. Si c’est vrai ce qu’il raconte, cela signifie que j’ai été plongé dans l’ignorance depuis ma naissance et que j’ai été élevé dans le mensonge !

- Ce n’est pas toi qui vient tout juste de me dire que tu voulais savoir la vérité ? Et bien continue d’écouter sans interrompre, s’il te plaît.

Icarion soupira puis baissa les yeux. Son tuteur marquait un point. Cependant, Franir reprit ses explications.

- Tu as été élevé dans le mensonge comme tu dis pour ta sécurité. En effet, peu après ta naissance, de nombreux troubles ont tombés sur Yria, ton royaume. Ta mère, la reine Lonin, avait eu une vision de son défunt grand-père, donc ton arrière grand-père, qui disait qu’elle aurait un fils mais que le royaume tomberait aux mains du chaos. Peu de temps après, elle a accouché de l’enfant tant attendu, en même temps que ton père, son mari, perde son autorité. En effet, le fait que son père, ton grand-père donc ait été un meurtrier ressortait au grand jour. Lonin m’a donc confié son fils, toi, pour le mettre en sécurité. Je t’ai pour ma part confié aux Elfes de Lune, mené par Soundar qui devint ton tuteur. Après t’avoir donc laissé dans la forêt d’Ombrefeuille, des orques ont envahis Yria et ont prit tous les habitants par surprise, même tes parents qui furent assassinés.

- Mais pourquoi tout me révéler maintenant et pas avant ?

- Parce que avant, tu n’étais pas en âge de comprendre, et je rejoint les autres mages là-dessus. Maintenant, il faut que tu prenne tes responsabilités et que tu retourne parmi les tiens. Ils t’attendent, ils croient en toi, en l’héritier de leur défunt roi...

Séron n’eut pas le temps de finir ce qu’il disait que Icarion, dans un mélange de choc, de colère et de tristesse, se leva brusquement en renversant sa chaise, ce dernier geste n’étant néanmoins pas voulu.

- Mais je ne veux pas être roi, dit-il les larmes aux yeux. Je ne veux que d’une vie normale avec les personnes que j’aime...

Il s’enfuit alors en courant sans regarder derrière lui même si Soundar se mit à crier son nom à plusieurs reprises en se leva de table.

- Icarion ! Revient tout de suite ! Nous n’avons pas terminé !

Mais rien n’y fit. Icarion ne revint pas, courant vers sa chambre. Les jours qui suivirent, il évitait la compagnie des autres elfes, restant solitaire dans son coin. Plus tard, il admirait le ciel étoilé, soupirant, quand Soundar s’approcha. Lui aussi admirait le spectacle.

- Androne est plus brillante en ce moment à ce que je vois, dit-il.

Icarion le regarda bizarrement.

- Pardon ?

- Et Zannia et Diwen on entreprit leur annuel croisement, continua Soundar.

- Heu...

- Ce sont des étoiles. Vois-tu, l’astronomie est une de mes passion. Lorsque le ciel est clair et sans nuages, moi et Malila, mon épouse, venons admirer et étudier les astres de ce mystérieux cosmos.

- Je vois, répondit tout simplement Icarion.

Ils observèrent immensité du ciel ensemble pendant un petit moment. Néanmoins, brisant le silence qui venait de s’installer, Soundar posa sa main sur l’épaule de son protégé.

- Ton destin me fait penser à celui d’une étoile. Tu viens de naître, tu as peur de briller. N’ai pas peur de briller de tout tes feux. Rend tes parents fiers de toi. Tu finira aussi bien entendu par mourir comme tout les hommes, mais tu aura accompli de grandes choses, j’en suis certain.

- Pourquoi me racontez-vous ça ?

Soundar soupira.

- Écoute Icarion. Tes parents t’aimaient de tout leur cœur. Tu étais leur fils unique. D’ailleurs, ton père comptait sur toi pour réparer la réputation de sa ligné, souillée par le crime de ton grand-père qui tua sa propre femme. Mais ils étaient obligé de te cacher pour te sauver.

Le regard d’Icarion était toujours tourné vers le ciel.

- Vous croyez qu’ils sont là-haut ?

- Oui. Comme tu le sais, nous croyons que chacune des étoiles qui fleurissent le ciel sont les âmes de nos ancêtres défunts, qui veillent sur nous. Et grâce à Trissendil, ils attendront les Rivages Brumeux, maison des dieux, un jour.

Icarion regarda Soundar.

- Je dois vraiment reprendre le trône de mon père ?

- C’est ton devoir. Nombreux sont ceux qui ont foi en toi. Ne l’oublie pas.

Sans répondre, le jeune homme se détourna et monta à sa chambre. Soundar fit de même.

Plusieurs jours plus tard, Icarion demeurait introuvable. Séron révéla au roi des Elfes de Lune qu’il l’avait entendu murmurer des choses étranges à propos de se trouver lui-même, ou encore à propos d’une ville du nom de Forge qui était réputé pour produire de nombreuses ressources qui étaient exportés partout sur Eranne. Néanmoins, le roi des Elfes de Lune et le mage durent se rendre à l’évidence que le jeune héritier de la couronne d’Yria, rôle qu’il semblait néanmoins répugner, venait de fuir la forêt d’Ombrefeuille. En effet, le manteau de soie bleu foncé d’Icarion ainsi que quelques uns de ses vêtements manquaient à l’appel, de même qu’une cote de mailles noire et une épée qui avaient disparus de l’armurerie. Aussi, son cheval à la robe noire qu’il avait appelé Queue de Cendre et qu’il avait apprivoisé lui-même avait disparu de l’écurie.

Les faits étaient là : Icarion avait donc fugué, s’était enfuie, à la recherche de qui il était vraiment, à la découverte du vaste monde, là où se côtoyaient amour, haine, amitié et trahison. Séron prit son cheval, un cheval d’un blanc pur et immaculé qu’il avait nommé Crinière de Neige et partie à la poursuite de l’héritier. D’ailleurs, Crinière de Neige était connu parmi bien des royaumes pour être l’un des coursiers les plus rapide du monde, sinon le plus rapide. Sa vitesse de pointe au galop dépassait même celle de Queue de Cendre, le cheval d’Icarion, qui était lui aussi réputé pour être un coursier très rapide.

Quittant la forêt, Séron dirigea son cheval vers Yria, plus précisément vers Forge, cette ville très peuplée qui se trouvait à la frontière de plusieurs royaumes. D’ailleurs, dans les diverses choses étranges qu’Icarion avait grommelé, le nom de la ville s’y trouvait. Il avait sans doute voulu voir ce royaume, son royaume, de ses propres yeux. Cependant, Yria étant sous occupation orque, Séron était inquiet et pressentait qu’Icarion courrait un grave danger. Il dépêcha alors son cheval de courir le plus vite possible et disparu rapidement à l’horizon.

Elegyleaf

Chapitre II[]

Le soleil de l’après-midi baignait la carrière de puissants rayons et créait ainsi une chaleur étouffante. Dans cet étrange cratère artificiel, creusé de la main des hommes, une multitude d’ouvriers frappaient sans relâche sur la pierre de leurs outils pour en détacher des blocs. Or, cette pierre semblait être de plus en plus fragilisée et apparemment menaçait de s’effondrer, ce dont le propriétaire se moquait, puisque la carrière lui procurait bien des profits. Sinon, cette pierre, du calcaire jaune, étant une roche de type sédimentaire, produisait une poussière dans l’air qui la rendait presque irrespirable. Cette carrière avait été de ce fait la cause de nombreux décès, qui avaient néanmoins été camouflés le plus possible pour le propriétaire. Un jeune renard frappa quelque coups de sa pioche sur un bloc irrégulier avant de reprendre son souffle puis prit une gorgée d’eau fraîche qu’il gardait précieusement dans une gourde de cuir près de lui. Assez grand, vêtu d’une vulgaire chemise de toile bourgogne un peu déchirée et sale dont il avait retroussé les manches et d’un pantalon bleu foncé de la même matière mais très court et poussiéreux, sa tête humide couverte d’une touffe de poils noirs d’où s’écoulait une fontaine de nombreuses gouttes démontrait qu’il suait dans cette chaleur suffocante. Malgré cela, il continuait de travailler avec acharnement contre la pierre.

À peine arrivé à la ville de Forge, le jeune Rorim, dix-sept ans, s’était fait embauché pour travailler dans cette carrière de calcaire jaune située au sud-ouest de la ville. Néanmoins, il se sentait mal à l’aise dans cette ville, car même si elle possédait une grande diversité dans ses habitants, qui étaient humains, elfes, nains, orcs, gobelins, gnomes, kobolds, drakéïdes et autres, ce devait être la première fois que tout ce beau monde voyait un renard à trois queues. Rorim ne pouvait aller quelque part sans attirer les regards sur lui, ce qui le gênait.

Quoi qu’il en soit, le travail dans la carrière n’était que durant la journée, tôt le matin jusqu’en début de soirée, car lorsque le jeune renard est arrivé à Forge, il y a à peine une semaine, l’étrange homme nommé Liadrus, l’alchimiste-astronome de la ville que certains habitants trouvaient un peu fou mais que d’autres disaient qu’il n’était qu’excentrique l’avait abordé en lui disant qu’il avait « un potentiel inexploité » et sans plus d’explications, a fait de Rorim son assistant. Toutefois, Liadrus ne travaillait que pendant la soirée ou pendant la nuit, ce qui laissait toute la journée au jeune renard pour tailler le calcaire dans la carrière.

Autour de Forge se trouvaient cinq carrières et plusieurs mines où l’on exploitait des pierres et minéraux divers comme le fer, le quartz, le calcaire, le granit, le basalte, le schiste, l’émeraude, la turquoise, le cuivre, l’or, le bronze, l’argent, le lapis-lazuli, l’agate, le saphir, le rubis et bien d’autres, mais c’était la carrière de calcaire qui avait fini par embaucher notre renard. En effet, de toutes ces carrières et mines, celles qui marchaient le mieux étaient celles d’or et celles de calcaires. Partout sur le continent d’Eranne et même au-delà, l’or et le calcaire était les matières les plus utilisées pour la fabrication de statues pour le calcaire ou la fabrication de bijoux, d’ornements et autres pour l’or. De plus, la ville de Forge possédait les meilleurs filons d’or des alentours et se basait sa richesse surtout là-dessus. Certaines personnes surnommaient même la ville la « Montagne d’or ». Néanmoins, à voir les conditions de travail des ouvriers, qui travaillaient sous les ordres de rudes contremaîtres, Rorim commençait à regretter son choix. Toutefois, il continuait toujours de tailler la roche avec le plus d’acharnement possible, voulant conserver sa réputation d’ouvrier fiable qu’il avait commencé à mettre en place.

Pendant qu’il taillait, Rorim essayait de se remémorer les événements qui avaient conduis à son arrivé à la ville. Lorsqu’il avait trois ans, sa mère Ranna donna naissance à une petite renarde qu’elle prévoyait déjà depuis un certain temps de nommer Rosa, mais l’accouchement fut malheureusement très difficile et douloureux, et la pauvre renarde, souffrante et à bout de force, poussa son dernier soupir en soufflant à son fils de ne jamais perdre espoir et fois en la vie, envers Unianir. Attristé par la mort de sa sœur, Rowen, l’oncle de Rorim, adopta les deux orphelins et décida d’en prendre soin et de les élever le mieux possible. Il semblait avoir réussi son coup, car Rorim et Rosa grandirent en taille et en sagesse, et ce, même s’ils devaient vivre en-dehors de la forêt à cause de la décision irrévocable du conseil des clans. La vie c’était organisé, et, ensemble, ils avaient réussit à retrouver un peu de bonheur, bonheur que Rorim avait perdu à la disparition de son père puis à la mort de sa mère.

Rowen enseigna d’ailleurs à ses protégés les rudiments du Ralien, leur propre langue, de même que les bases de l’Yrien, langage des hommes du lointain royaume d’Yria qu’il fallait absolument connaître pour réussir dans la vie. Aussi, il montra à Rosa et Rorim les propriétés des fleurs et autres plantes médicinales de même que les bases de la magie élémentaire, magie maîtrisée par les Renards à trois queues, mais enseigna uniquement à Rorim l’art du combat, à mains nues comme à mains armées. D’ailleurs, les armes de prédilections de Rorim devinrent deux dagues et de petits poignards qu’il lançait sur ses cibles sans jamais les rater. Malheureusement, cela ne pouvait durer, et encore une fois, le destin frappa. En effet, à partir d’un certains moment, la petite troupe, composée de Rorim, de Rosa et de Rowen dû se faire nomade comme bien des peuples d’Eranne et voyager à travers la région car la nourriture se faisait rare. Ils ne le savaient peut-être pas, mais c’était carrément une famine qui frappait l’endroit. Ils étaient donc condamnés à chasser de petits animaux pour se nourrir, ou encore à cueillir des végétaux. De plus, pendant l’hiver, seule les racines étaient disponibles pour leur consommation.

Toutefois, un jour frisquet d’automne, Rowen partit chercher de quoi manger tandis que Rorim restait avec sa sœur. Leur oncle ne revint jamais. Après avoir perdu leur père, puis leur mère, voilà qu’un nouveau membre de leur famille leur était enlevé. D’ailleurs, pour pas qu’elle ne vive avec la probable mort de son oncle sur la conscience, Rorim mentit à sa sœur en lui disant qu’il était encore vivant. Mais comme si le destin n’avait pas encore assez frappé, un nouvel instant fatidique vint complètement anéantir le jeune renard : Lorsque Rorim avait quatorze ans et que Rosa en avait onze, un hiver glacial frappa la région où ils se trouvaient. Cet hiver fut même marqué dans les archives elfiques pour avoir été l’hiver le plus froid qu’avait connu le continent. Quoi qu’il en soit, par manque de nourriture et à cause du froid douloureux, se fut au tour de Rosa de s’éteindre, et elle s’assoupit pour ce sommeil sans fin qu’est la mort dans les bras de son frère qui l’aimait plus que tout. Rorim était désespéré, démoli. Tous ceux qu’il aimait lui avait été ravis. Il pleura longtemps pendant les jours suivants, en rage contre le destin, et culpabilisant sur la mort de sa sœur. C’était là qu’il était apparut.

Un homme du nom de Séron qui devait avoir autour d’une trentaine d’années à l’époque vêtu d’un grand manteau bleu rencontra le jeune renard au plus profond de sa détresse. Étant en fait un mage, il avait les cheveux noirs, les yeux d’un vert profond, le teint pâle et était assez maigre. Il réussit d’ailleurs à apporter du réconfort au pauvre Rorim et le prit sous son aile, lui enseignant tout ce qu’il devait savoir sur Eranne et ses légendes pendant trois ans, de même que continuant son apprentissage de la magie et de l'herboristerie, qui devint vite une passion du jeune renard. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il garde toujours sur lui une petite sacoche de toile où il conserve des herbes et feuilles de toutes sortes.

Or, il y a quelques temps, Séron quitta le jeune renard en lui disant uniquement qu’il avait des choses très importantes à faire. Néanmoins, il lui dit aussi de se diriger vers la ville de Forge et de l’y attendre, tandis que lui partit au galop sur son destrier en sens opposé. Forge était une ville au carrefour de nombreuses frontières, Rorim pourrait donc se dissimuler dans les habitants. En effet, le mage avait dit à Rorim qu’il était recherché par bien des personnes car il possédait depuis sa naissance un certain don. Néanmoins, l’homme n’avait pas été plus clair et avait laissé le jeune renard sur cette question : Quel était le don qu’il possédait ? D’ailleurs, Rorim était arrivé à la ville de Forge depuis une semaine, mais cela faisait un mois qu’il avait quitté Séron, et il n’avait pas eu de signe de vie de la part de l’homme depuis ce temps.

Cependant, le son d’un cor joué par un des contremaîtres présents qui annonçait la fin de la journée de travail sortit Rorim de ses pensées. Il prit ses affaires, sortit de la carrière puis se dirigea vers la ville, qui n’était pas très loin heureusement. Dans le soir qui s’installait, les rues de Forge ne se désemplissaient pas. Plusieurs chars ou charrettes circulaient, tout comme de très nombreux piétons. Aussi, sur le bord de la route de pierre, des satyres, ce peuple de nomades sans point fixe, jouaient de leur flûtes et accompagnaient un cracheurs de feu ambulant qui époustouflait ses spectateurs avec ses mouvements hallucinants. De plus, les maisons aux alentours, faites de pierre, de bois, d’herbe séché et de terre étaient toutes des maisons d’artisans. Il y avait en effet échoppe d’un potier, qui modelait l’argile et la glaise pour former cruches, pichets, couverts, vases et bien d’autres choses, celle de tisserands qui filaient le lin et le coton pour coudre tuniques, pantalons, robes, chemises et autres, celle d’un tanneur qui était réputé pour son cuir d’excellente qualité, cuir qui était utilisé pour la fabrication des sandales, des chaussures, celle d’un sculpteur, celle d’un orfèvre qui fondait fer, argent, or et bien d’autres métaux et finalement l’échoppe d’un menuisier qui produisait des meubles de bois plus ou moins luxueux selon le client. Rorim se dépêchait de parcourir les rues pour arriver à la demeure de Liadrus. Arrivant d’ailleurs en face de cette maison étrange, il s’arrêta pour l’observer.

La maison semblait être constitué de deux bâtiments en bois et en pierre imbriqués l’un dans l’autre. Le revêtement extérieur gris foncé donnait aussi une apparence plutôt sinistre, accentuée par le soleil crépusculaire. Aussi, une statue de bronze à l’effigie d’une gargouille sur le portail du domaine n’apportait pas confiance, tout comme une statue d’argent à l’effigie d’un griffon placée directement au-dessus de la grande porte de la demeure. Frissonnant comme à son habitude lorsqu’il y entrait, Rorim parcouru les jardins puis mit pied à l’intérieur et referma la porte derrière lui.

À l’intérieur, c’était le grand désordre. Toutes les pièces se retrouvaient pleines de fioles et d’éprouvettes poussiéreuses contenant des liquides étranges de même que d’instruments d’alchimie. Aussi, les murs étaient tous couverts de symboles étranges qui avaient été écris à l’aide de peinture blanche à propriété fluorescente. En effet, même s’il faisait sombre, Rorim les distinguaient nettement car ils brillaient faiblement dans l’obscurité.

- Maître Liadrus, vous êtes là ? appela le renard, sans réponse néanmoins.

Il continua d’appeler pendant un certains temps, toujours sans réponse. Commençant à perdre patience, il entendit tout à coup une voix venant de l’extérieur.

- Sur la terrasse, mon jeune ami !

Rorim comprit. L’alchimiste-astronome, parfois astrologue à ses heures perdues devait être en train d’étudier le ciel. Circulant tant bien que mal dans le désordre de la maison pour le rejoindre, il fini pourtant par se rendre à la terrasse sans briser aucune fiole, même si cela avait impliqué de poser le pied sur une petite roche pointue, geste au résultat douloureux. Regardant autour de lui, il vit que Liarus était là, assis sur une chaise, observant le ciel étoilé tout en griffonnant des notes dans un vieux carnet.

- Androne s’aligne enfin avec Nérek, ce qui signifie que je vais pouvoir faire mes expérimentations dès demain, se dit l’homme à haute voix comme si Rorim n’était pas là.

- Androne ? demanda le renard, un peu confus.

- Tu vois cette étoile brillante au loin ? C’est elle, Androne. Elle est aussi appelée l’étoile du nord-ouest d’ailleurs.

- Elle est magnifique, répondit Rorim, sous le charme.

- Celle qui est en train de s’enligner parfaitement avec elle, c’est Nérek, l’étoile du sud. Selon la croyance populaire, plus elle brille, plus il ferra chaud.

- Je vois.

- D’ailleurs, il y aura fête je crois la semaine prochaine.

Rorim était perplexe.

- Une fête ?

- Oui, car vois-tu, l’étude des étoiles, qui est passionnante, permet de nombreuses choses, dont une, très importante, qui est la fixation de dates.

- De dates ?

- Exactement. Lorsqu’une étoile s’aligne avec une autre, qu’elle entre dans l’orbite d’une autre, ou qu’elle vole la vedette par sa brillance, elle indique de cette manière le meilleur moment pour les fêtes, ou pour plus important, la période des labours, des semailles, et autres.

- Quelle est la fête dont vous avez parlé ? demanda Rorim, qui était très intéressé. En effet, il regardait le ciel avec beaucoup d’admiration.

Liarus sourit. Il était heureux qu’enfin quelqu’un s’intéresse à ce qui le passionnait.

- C’est la fête des semailles. Elle a lieu pour souhaiter qu’il y aura une excellente récolte lors des moissons. Elle tombe d’ailleurs lorsque les étoiles Androne et Nérek sont parfaitement alignés et tombe en même temps de la période des semailles pour les paysans, d’où le nom.

Néanmoins, Rorim n’écoutait plus. En effet, il pensait aux gens qui le zieutaient à chaque fois qu’il se trouvait en publique.

- Dites-moi, pourquoi est-ce que j’attire toujours les regards sur ma personne ? demanda Rorim. Pour tout dire, ça me rend nerveux.

- Et bien, tu es le tout premier membre de ta race que bien des gens voit de toute leur vie. En effet, ton peuple, les renards à trois queues, était un peuple caché et personne, sauf quelques sages et mages, avaient connaissance de votre existence. D’ailleurs, un vieux sage, Lardin Qélet a déjà essayé de faire un recensement de toute la population d’Asharia et a esquissé comment il imaginait ton peuple. Attends, ça vaut le coup d’œil.

Liadrus se leva de sa chaise et rentra dans la maison. Il revint un peu plus tard, d’immenses paquets sous le bras.

- Qu’est-ce ? demanda Rorim.

- Regarde par toi-même, déclara l’alchimiste en lui présentant un parchemin maculé d’encre.

Le jeune renard s’esclaffa. Sur le parchemin était dessiné un étrange renard très musclé et quelque peu obèse. La créature avait de très longues queues de même qu’un regard mauvais.

- C’est vraiment comme ça que ce sage nous imaginait ? demanda à nouveau Rorim en essayant d’arrêter de rire.

- Oui, et je suis soulagé de voir que vous n’êtes pas comme ça réellement, répondit Liadrus en se mettant à rire à son tour. Mais dit moi, puisque tu viens d’ouvrir la porte pour ce sujet, pourrais-tu m’expliquer comment vivait ton peuple ? J’ai toujours voulu savoir. D’ailleurs, cela permettra de corriger les écrits de Ladin à propos de vous qui ne sont pas mieux que ses dessins, poursuivit-il en faisant un clin d’œil à Rorim.

Néanmoins, celui-ci soupira.

- Je ne me rappelle pas de tout. En effet, j’étais très jeune, et certains souvenirs sont très flous dans mon esprit. Néanmoins, je sais que nous étions organisés en tribu, qui était elle-même divisée en deux clans, le clan Verte-Racine et le clan Rousse-Feuille. Moi et ma famille faisions partie du premier, mais mon père était le chef de la tribu et essayait de calmer les différents entre les deux clans.

- Des différents ?

- Je n’ai aucune idée de ce qu’ils sont, car j’étais trop jeune. Je sais uniquement que l’un des clans était mal vu par l’autre et...

Rorim se tut et baissa les yeux. Il n’était plus capable de parler, des souvenirs douloureux lui revenant. Voyant des larmes couler des yeux de son apprenti, Liadrus comprit qu’il ferrait mieux de changer de sujet.

- Il est tard. Tu ferrais mieux d’aller te coucher, puisque tu travaille très tôt demain. D’ailleurs, je vais bientôt faire pareil, dit-il en baillant longuement.

Sans dire un mot, le jeune renard se retira dans sa chambre. Celle-ci semblait laissée à l’abandon. Près du lit défait, un tas de grimoires et autres vieux livres couverts de poussière gisait sur le sol. Dans un autre coin, un grand nombre de fioles de toutes sortes étaient empilées, démontrant que Rorim commençait à faire une sélection. Essence éthérée, venin de serpent, larmes d’aurore, acides divers, eau bénite, des antidotes, etc.

Le jeune renard s’effondra sur son lit. Parler de sa tribu, de son peuple, avait amené un questionnement. Il n’a jamais été témoin de la mort de son père ou de son oncle. Non. Ils n’ont que disparus. Son t-ils bien morts ou sont t-ils encore en vie ? Rorim prit sa décision. Il appréciait Liadrus, mais il voulait avoir une réponse. Se levant, il prit une besace de toile et commença à y ranger pèle-mêle de ses effets personnels. Quelques livres et fioles prit au hasard, Une petite lampe à luciole, une longue-vue qu’il avait « emprunté » à l’alchimiste, sa gourde, des vêtements de rechange, une flûte en roseau qu’il tenait de son oncle, un vieux jeu de carte, quelques pièces de bronze, puis finalement, un petit cristal pur et translucide qui le fascinait et qui avait la propriété de briller à la lumière du clair de lune. Sa mère lui avait donné en mourant, lui disant que son père aurait voulu lui donner lui-même mais qu’il n’a pas pu. Elle lui avait donné en lui murmurant un message énigmatique à l'oreille, message dont il n'avait pas encore comprit la signification. Se mirant quelques instants dans le cristal, il le rangea finalement avec les autres objets dans sa besace, puis prépara sa fronde et ses deux dagues, dagues qu’il avait nommé Nagwel et Karna, noms qui signifiaient en ralien « reflet » et « joyau ». En effet, Nagwel avait une lame bleue aussi lisse qu’un miroir, alors que Karna avait quant à elle une lame d’or. Rorim savait qu'il était très dur de manier deux armes à la fois, mais lui avait une facilité innée. Quoi qu'il en soit, le renard prépara aussi sa sacoche où il conservait des herbes de toutes sortes, sac dont il ne se séparait jamais.

Ayant terminé ses préparatifs, le jeune renard retourna se coucher, puis éteignit de son souffle la lampe à l’huile qui procurait une faible lueur dans la pièce. Il regagnait espoir en la vie : Toute sa famille n’était pas éteinte. Son père ou son oncle ou peut-être même les deux étaient en vie, il en avait la certitude. Il se devait de les retrouver. C’est donc sur cette pensée qu’il se laissa aller à un sommeil reposant, qui ne fut toutefois que trop court. Levé à l’aube pour aller travailler à la carrière comme à tous les matins, Rorim décida d’amener ce qu’il avait préparer avec lui, décidant de quitter Forge à la fin de la journée.

Malgré l’heure, il faisait déjà très chaud. Aussi, les rues de la ville étaient déjà animées, remplies de personnes en tout genre. Se faufilant à travers la foule, Rorim arriva finalement dans la rue qui menait à la carrière où il travaillait, mais qui était bizarrement bien moins animée que les autres. S’arrêtant pour observer les alentours, il vit cinq hommes capuchonnés et vêtus entièrement de rouge s’approcher et qui se mirent étrangement à l’entourer. Le jeune renard, ne comprenant rien de ce qui se passait, se demandait bien où il avait déjà vu ces hommes. Or, il comprit rapidement. En effet, il se rappela que depuis son arrivée à Forge, de mystérieux hommes en rouge le suivaient apparemment partout. Néanmoins, bien des gens le suivaient puisque c’était la première fois qu’ils voyaient un représentant de sa race, donc il n’avait pas porté attention à ces hommes en particulier. Mais maintenant, sentant la menace, Rorim dégaina ses dagues puis prit la parole, inquiet.

« Qu'est-ce que vous me voulez ? »

Aucune réponse. Les hommes mystérieux restèrent de marbre.
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Chapitre III[]

La pluie venait tout juste d’arrêter de tomber, ou plutôt elle commençait à arrêter, car quelques gouttes d’eau très froide tombaient encore du ciel vers la terre. Malgré le feuillage des arbres environnants qui faisait un peu comme un toit au dessus de lui, un chemin de terre battue se retrouvait recouverts de flaques d’eau d’où se reflétaient les rayons de soleil qui arrivaient à se frayer un passage. Le vent soufflait, ni trop fort ni trop doucement, amenant avec lui des volés de feuilles mortes qui donnaient l’impression de danser dans l’air. Aussi, des oiseaux chantaient de leurs chants mélodieux, saluant le retour du beau temps. Néanmoins, des bruits de sabots de plus en plus forts se firent entendre. Un jeune homme au cheveux noirs, vêtu d’un manteau gris foncé ouvert sur une chemise de toile bleue ciel marchait d’un bon pas, tirant sur les rennes d’un cheval à la robe charbon qui marchait derrière lui. Il avait un arc en bois de chêne et un carquois dans son dos. À sa gauche, un homme à la chevelure et à la barbe très longues, vêtu d’un long manteau bleu, tenait lui aussi les rennes d’un cheval dans sa main, mais un cheval à la robe blanche pur qui marchait aussi derrière lui. Trempés, l’on comprenait qu’ils avaient été surpris par la pluie. Malgré tout, ils n’y faisait aucunement attention.

Sortit de la forêt d’Ombrefeuille, aussi appelée « forêt de la nuit éternelle », puisque le règne de la nuit n’est jamais interrompu par le jour, Icarion avait parcouru au galop les grandes prairies d’Ithagar, voisines de la forêt, qui affichaient leur parure de fleurs des champs en cette fin de printemps. Toutefois, le regard vide, le jeune homme n’avait même pas jeté ne serait-ce qu’un coup d’œil à cette beauté naturelle. Il était passé en coup de vent. Quittant les prairies, où autrefois les dryades cueillaient les fleurs en chantonnant, il avait atteint le grand bosquet de Kerna, souvent appelé la « petite forêt » dans les contes populaires, où, d’après ces contes, la dryade Isallyde, jeune femme d’une immense beauté mais malheureusement dernière représentante de cette race éteinte, s’était endormie à jamais en donnant naissance à son fils. Ce dernier, retrouvé plus tard par son père et nommé Abel devint l’un des plus grands rois d’Yria et l’un des plus grands représentants de la maison Dorwann, presque autant que le roi Dorwann le Magnifique lui-même. Néanmoins, toujours selon les contes, le vent qui sifflait dans les arbres était le chant désespéré de l’âme de Isallyde, errant à la recherche de ses sœurs perdues.

Bref, après quatre jours depuis le début de son périple, il arriva au bosquet, mais Séron, partit un peu plus tard à sa suite, l’avait finalement rattrapé. Icarion n’était pas très heureux de revoir cet homme, et encore moins de voir qu’il le suivait, mais Séron lui avait dit qu’il n’était pas là pour le ramener chez Soundar. Les deux hommes se mirent donc à voyager ensemble, mais ils restaient silencieux. Arrivant à la hauteur d’un ruisseau à l’eau sombre où des poissons nageaient tranquillement, Icarion se décida et regarda le mage, brisant le silence.

- Pourquoi me suivez-vous ? Où allez-vous ? demanda t-il alors, avec une sorte d’insistance retenue. D’ailleurs, sa voix semblait empreinte d’hésitation.

L’homme lui fit tout simplement un sourire entendu, puis détourna le regard. Cependant, après un certain temps de silence, il prit la parole.

- Laissez-moi vous retournez votre dernière question. Vous allez à la ville de Forge, c’est bien ça ?

Le jeune homme parut étonné.

- Comment le savez-vous ? demanda t-il.

Séron ne répondit pas. Gardant à nouveau le silence, ils empruntèrent un pont de bois ayant une solidité précaire qui grinçait sous leur poids tandis que des poissons de toutes les couleurs les suivaient par le ruisseau.

- Tu es en grand danger, Icarion.

- Pourquoi ? Je croyais que Forge était une ville indépendante, répondit le jeune homme.

- Oui, elle est plus ou moins indépendante.

- Plus ou moins ?

- La ville est située sur la frontière d’Yria et d’Ajarin, le royaume voisin, peuplés d’hommes qui étaient auparavant alliés d’Yria, mais que certains traitent de traîtres, car selon eux, les Ajariens auraient aidés les orcs à envahir Yria. Ceci étant dit, il a été conclu il y a bien longtemps que les rois d’Yria et d’Ajarin auraient leur mots à dire sur les lois votées. Par contre, aujourd’hui, les Orcs occupants le royaume des hommes, leur dictateur, Robert Gronk, a augmenté ses pouvoirs sur la ville, détruisant complètement les pouvoirs auxquels le roi Ajarien actuel, Nadarr, avait droit.

- Ça mis à part, pourquoi suis-je en danger ? demanda à nouveau Icarion.

- Et bien, Robert Gronk sait que tu es en vie, et j’ignore la raison. Or, à l’heure actuelle, des troupes d’Orcs parcourent les territoires qu’ils occupent et même plus loin à ta recherche. Ils veulent te tuer.  

- Me tuer ? lâcha encore Icarion.

Séron commençait à s’énerver.

- Réfléchit un peu Icarion ! Tu es l’héritier du trône, donc pour eux, tu es le seul qui peut redonner le pouvoir aux hommes. D’ailleurs, depuis quelques années, les habitants se sont mit à annoncer ton retour encore plus qu’avant, ce qui inquiète les Orcs.

Icarion garda le silence. Continuant leur périple, lui et Séron débouchèrent finalement dans une grande clairière au milieu du bosquet. Une nuée de papillons dansait avec une de libellules au-dessus d’une colline, qui reprenait vie après la pluie. Un merle était occupé à tirer un ver, un écureuil recherchait les glands qu’il avait caché l’automne dernier et un couple de magnifiques drakes jaunes, ces dragons juvéniles et inoffensifs, étaient roulés en boule et dormaient tranquillement au sommet de la colline, leurs écailles brillantes sous le soleil.

Les deux compagnons marchèrent à travers la clairière d’un pas rapide. En effet, Icarion n’était pas très confiant envers les drakes. Toutefois, derrière lui, Séron s’arrêta net. Le jeune homme s’arrêta lui aussi, puis dévisagea le mage. Celui-ci avait le regard portant vers la colline. Observant la colline à son tour, Icarion se rendit compte que les drakes ne dormaient plus. Leurs yeux brillants en alerte, ils semblaient craindre quelque chose ou quelqu’un.

- Que ce passe t-il ? murmura Icarion.

- Dans la forêt, en vitesse ! murmura Séron à son tour.

Tirant leur chevaux avec difficulté vers les broussailles, ils tentèrent tant bien que mal de se dissimuler au milieu des végétaux. Au même moment, les deux drakes s’envolèrent avec grâce, disparaissant rapidement à l’horizon. Icarion comprenait de moins en moins.

- Pouvez-vous m’expliquer ce qui se passe ? grommela t-il encore une fois, mais à voix basse cette fois-ci.

- Les drakes sont les créatures qui ont la meilleure ouïe de tout Eranne, dit Séron. Ils ont même une meilleure ouïe que lorsqu’il sont des dragons d’âge adulte. Donc, s’ils ont entendu quelque chose ou quelqu’un qui les as fait fuir de la sorte, qui sait la menace qui arrive ?

- Des Orcs ? risqua Icarion.

- Peut-être. Silence maintenant.

Le silence, lourd, pesant même, avait reprit son règne dans la clairière. Dans leur envolée, les drakes avaient fait fuir tous les oiseaux et autres animaux des alentours. Les seuls sons qui arrivaient aux oreilles d’Icarion et de Séron était le ruissellement d’un cours d’eau assez proche de même que le bruissement de la brise dans le feuillage des arbres. Un bon moment, qui semblait être une éternité au jeune homme, s’écoula sans que rien d’important ne se passe.

Or, des bruits de pas lourds brisèrent une nouvelle fois le silence qui dû retraiter. Les bruits de pas s’approchaient de plus en plus, étant de plus en plus fort. Prenant peur, Icarion aurait voulu disparaître, devenir invisible ou encore devenir minuscule. Mais s'était impossible, car il n'était pas magicien. Il n'avait qu'une toute petite connaissance des arts magiques, et c'était bien insuffisant pour des sortilèges de la sorte. Toutefois, de leur poste d’observation, les deux compagnons voyaient très bien tout ce qui se passait dans la clairière. Ils virent donc une troupe assez nombreuse d’orcs marcher sur le sentier de terre battue humide au milieu de l’herbe verte recouverte de perles de rosée de la clairière. De la taille d’un homme, très costauds et quelque peu obèse, ils avaient de grandes oreilles déchirées, une peau rugueuse parfois bleutée, parfois verdâtre, d’étranges tatouages sur tout le corps avec des colliers et bracelets bizarres de même que des crocs prédominants sur le bas de leur mâchoire. D’autres semblaient n’être que des hommes au teint verdâtre, mais avec des crocs prédominants sur le bas de la mâchoire comme leurs congénères. D’ailleurs, ils étaient tous armés de lances de fer rouillés et certains portaient des sarbacanes dernière leur dos.

Icarion crut mourir d’une crise cardiaque lorsqu’il vit que l’un des orcs regardait dans sa direction. Il regarda même directement dans les yeux de la bête immonde, des yeux bleus-gris pleins de haine. Néanmoins, celui-ci détourna le regards comme si de rien n'était et la troupe sortit de la clairière d’un pas pressé. L'avait-il aperçu ? Le jeune prince n'en savait rien, mais il espérait le contraire. Quoi qu'il en soit, Icarion et Séron restèrent sans bouger et en silence par mesure de sécurité. Un long moment s’écoula, et Séron jugea que le groupe devait être parti pour de bon.

- Je n’aurais jamais pensé que Robert Gronk recruterait des demi-orcs dans ses rangs, murmura t-il.

- Des demi-orcs ? demanda Icarion en murmurant lui aussi.

- Ces créatures très malchanceuses sont issus d’un croisement entre un humain et un orc, le plus souvent une femme humaine et un mâle orc. En effet, ce sont souvent des accidents, fruits d’un viol, car les hommes et les orcs sont des peuples rivaux depuis la nuit des temps qui n'entretiennent que des relations de haine. Toutefois, le demi-orc ainsi créé est rejeté des deux côté, qui ne veulent pas le reconnaître comme l’un des leurs. Les humains trouvent les demi-orcs trop sauvages et trop brutaux, alors que les orcs les trouvent trop faibles ou trop « civilisés ».

- Et ?

- Non, rien. C’est juste que ça m’étonne que les orcs les recrutent. En effet, les demi-orcs ont plus tendance à essayer de se faire accepter des humains, car ils en sont génétiquement plus proche. D’ailleurs, les hommes sont plus flexible sur leur jugement que les orcs, reconnues pour êtres des créatures têtues.  

Séron se tut lorsqu'il aperçu, perplexe, de l'ombre opaque s'étendre sans bruit dans la clairière. Les petits animaux présents fuyaient la vague obscure en courant le plus rapidement possible. Certains, malheureusement, se faisaient toucher par ce phénomène mystérieux et tombaient inertes sur le sol après avoir lâché un dernier cri. D'ailleurs, même dans le ciel, les papillons, libellules et autres insectes volaient rapidement en nuée pour tenter de fuir eux aussi.  

L'homme resta sans bouger, sans parler, regardant l'ombre se propager dans la clairière, frissonnant. Icarion fut empli sur le coup d'une peur intense, paralysante même, qu'il n'avait jamais expérimenté auparavant. Il avait la réputation auprès des elfes de lune d'être très courageux et téméraire, mais il n'arrivait pas à contrecarrer l'effroi qui l'habitait en ce moment. Regardant autour de lui, il voyait que l'herbe se desséchait lentement et perdait sa couleur verte. Tournant son regard vers Séron, il vit que celui-ci était lui aussi figé sur place, mais ne semblait pas ressentir de peur. Ses yeux semblaient seulement inquiets.  

À ce moment, des chevaux d'un noir charbon entrèrent en marchant lentement dans la clairière, chevauchés par des hommes silencieux vêtus de longues robes rouge sang et encapuchonnés. L'étrange ombre semblait les suivre, et devenait noire, puis rouge, puis grise, puis à nouveau rouge pour revenir vers le noir...  

Icarion, combattant le sentiment de peur qui l'habitait, ne comprenait pas du tout ce que signifiait ce manège. Observant attentivement, il vit malgré l'étrange ombre qui semblait être des gaz fumigènes que les cavaliers portaient tous de mystérieux colliers d'or de même qu'une cimeterre d'acier et quelques fioles et curieux sachets à la ceinture. Malgré son excellente vision, le jeune homme ne parvint pas à voir le visage d'aucun des hommes. Déjà que les capuches rendaient la tâche difficile, les gaz fumigènes n'aidaient pas. Icarion se retourna lorsque Séron murmura quelque chose de presque imperceptible.  

- Des fanatiques de Témnor...  

- Des quoi...  

Icarion s'interrompt lui-même. En effet, il avait apprit durant ses années d'études avec Soundar qui étaient les fanatiques de Témnor. Ce sont les membres d'un culte sombre appelé le Culte de Sang, culte considéré comme une hérésie par le clergé d'Unianir. Mené par l'Inquisiteur Noir, anciennement le Sorcier-Liche, ils adoraient et offraient des sacrifices à Témnor, le dieu déchu, supposé être disparu après la dernière grande guerre qu'a connu le monde. C'était d'ailleurs pour les combattre que le groupe de magiciens appelé les Frères de la Justice, dont Séron faisait partie, avait été fondé. Toutefois, à part Séron, les autres membres gardaient l'anonymat. Malgré tout, Icarion se questionnait : Qu'est-ce que ce les membres de ce culte faisaient sur Eranne, plus précisément en Ithagar ? D'après ce que Soundar lui avait dit, ils se basaient d'habitude sur des terres plus centrales, comme le continent de Drowen.  

Néanmoins, le mystérieux cortège sortit enfin de la clairière sans incidents. Quelques instants plus tard, ce fut les fumigènes qui tombèrent finalement au sol ou se dissipèrent dans l'air. Regardant autour de lui, prêtant l'oreille, Séron ne vit pas âme qui vive comme il n'entendit rien. Avec de grandes enjambées, il sortit des broussailles pour rejoindre la clairière, tirant difficilement Crinière de Neige vers lui. Icarion décida de faire la même chose et tira à son tour Queue de Cendre derrière lui. Son cheval ne semblait pas apprécier beaucoup de se prendre les pieds dans les herbes hautes, les branches, les feuilles mortes et les ronces de la sorte, mais il ne montra pas beaucoup de résistance. Regardant le mage, le jeune homme vit qu'il montait en scelle.  

- Nous devons atteindre Forge au plus vite, s'écria t-il. Le renard court un grave danger !  

- Qui est-ce ? demanda Icarion.  

Séron lui lança une petite pierre plate à l'éclat bleutée très lisse.   - Les réponses à beaucoup de tes questions se trouvent dans cette pierre. Regarde-la lorsque tu aura le temps. Je peux seulement te dire que les membres du Culte de Sang veulent te sacrifier à Témnor et son serviteur Aznaroth. Tu es de la ligné des Dorwann, Icarion. Tu es bien plus puissant que le le pense, détenant des pouvoirs insoupçonnés. Mais maintenant, monte à cheval, le temps presse !   Séron partit au galop sans demander son reste, tandis qu'Icarion resta planté là, tremblant, essayant d'encaisser ce que le mage venait de dire.

Elegyleaf

Chapitre IV[]

Les mains crispées sur ses dagues, un genou au sol, Rorim haletait, épuisé. Il se défendait très bien et, confiant, réussissait à repousser les assauts de ses adversaires. Néanmoins, ceux-ci semblait ne jamais se fatiguer et, menaçants, revenaient toujours à la charge. Les hommes habillés de rouge l’entouraient, créant une muraille humaine autour de lui, comme pour l'emprisonner. Le combat intense que menait le renard contre ces inconnus était devenu en un clin d’oeil l’événement du jour dans la ville, les curieux s’étaient rapidement rassemblés autour du combat, et certains commençant même à faire des paris sur l’issue possible. Malheureusement, puisqu’il était seul contre ses adversaires, Rorim recevait le moins de paris sur sa victoire possible. D’ailleurs, le renard savait qu’il était en position précaire et se dit qu’il était plus sage d'essayer de parlementer que de combattre jusqu’à tomber d’épuisement. Se relevant avec difficulté debout, il plaça ses dagues en position défensive.

« Qu’est-ce que vous me voulez à la fin ? » demanda t-il d’une fois forte. « Pourquoi me suivez-vous ? Depuis mon arrivée en ville, vous me tournez autour comme des vautours autour d’une charogne ! Je le répète, qu’est-ce que vous me voulez ? Qu’ai-je de si important à vos yeux ? » termina t-il en retirant de la poussière d’une plaie fraîche sur son bras gauche.

Néanmoins, aucun des hommes habillés de rouge ne répondirent. Ils restèrent muet comme des statues. En fait, ils n’avaient dit mot depuis le début des hostilités, et c’était ce qui semblait le plus intriguer le jeune renard. Soudain, une révélation vint éclairer Rorim, révélation venant d’une voix dans l'assistance qui s’était bien établie.

« Ils recherchent les renards à trois queues pour les tuer… »

Rorim en eu le souffle coupé. C’était donc ça que voulait dire Séron lorsqu’il lui avait annoncé qu’il était recherché ? Que des hommes mystérieux voulaient le mettre à mort ? À y penser, Rorim tremblait, effrayé, trempé de sueurs froides. Mais il se ressaisit bien assez vite, car là n’était pas le bon moment pour avoir peur. Il devait se montrer fort, il devait se montrer courageux. Par contre, cette révélation qu’il venait de recevoir soulevait une autre question : qui étaient le ils ? Les hommes qui l’attaquaient en ce moment même ? Ces mystérieux hommes tous identiques, c’est-à-dire tous habillés de longues tuniques rouges sang, de longs manteaux de la même teinte et la tête encapuchonnée si bien qu’on ne pouvait apercevoir uniquement leur yeux sombres ? Sans aucun doute.

Par réflexe, Rorim bondit vers la droite pour éviter un coup en traître d’un de ses adversaires. Virevoltant à son tour avec ses deux dagues, il fut néanmoins arrêté par l’épée d’un autre homme habillé de rouge. Grinçant des dents, il esquiva ensuite avec une grande adresse les coups qui lui était portés, les hommes se jettent tous sur lui en même temps. Réussissant à se dégager, le jeune renard saisit rapidement une fiole dans sa besace, puis se mit à la secouer vigoureusement. Petite, bouchon de liège, son corps de verre laissait paraître la couleur verdâtre du liquide.

« Lorsqu’on me cherche, on me trouve ! » cria Rorim en lançant la fiole vers ses adversaires. Ils esquivèrent presque tous le coup, sauf un, qui reçu l’étrange fiole à ses pieds. C’était l’une des première choses que le jeune renard avait apprit de Liadrus : Les potion à base de venin de serpent, lorsqu’elle sont secouées vigoureusement à l’air chaud, elle deviennent très instable et explosent si jetées violemment contre le sol. Liadrus n’avait pas tort. La fiole lancée par Rorim explosa à l’impact du sol et libéra une vapeur verte nauséabonde. Encore une fois selon Liadrus, il ne fallait en aucun cas entrer en contact avec la vapeur de ce type de potion, car elle était tellement acide qu’elle faisait fondre la peau à petit feu. Nul besoin de dire que respirer cette vapeur est donc encore pire. Or, l’adversaire qui avait reçu la fiole de potion à ses pieds s’enfuie en hurlant sans demander son reste, démontrant qu’il n’avait peut-être pas eu les conseils d’un alchimiste au sujet de cette potion. Cependant, frappé par des nuages de poussière qui lui obstruaient la vue, Rorim se sentait épuisé. En effet, il était fatigué, affamé, assoiffé, mais continuait tout de même de se battre malgré le peu de force qui lui restait. Se ruant sur l’un de ses adversaires, il réussit à lui transpercer profondément la jambe droite avec ses deux dagues. La victime grogna, en s’écroulant sur le sol, puis, disparu dans un nuage de vapeur après avoir prononcé des paroles inintelligibles. Rorim sursauta. Il ne s’attendait à tout, sauf à ça. Il combattait des magiciens ? Mais la véritable question qu’il se posait était la suivante : Pourquoi des magiciens voulaient t’ils sa mort ? Qui étaient ces hommes ? Le jeune renard voulait absolument savoir qui, ou même quoi l’attaquait, mais il savait néanmoins qu’il n’aurait peut-être pas la réponse. Il faut dire que la vérité est chose très facile à cacher parfois, surtout lorsque l’on maîtrise les arts magiques…

Soudain, Rorim sentit une prise autour de sa nuque. Prit dans ses pensées, il n’avait pas fait attention à ses adversaires toujours en état de combattre. L’un d’entre eux, plus grand et plus massif que les autres, l’avait d’ailleurs saisi par le cou et l’éleva au dessus du sol. Le jeune renard se débattait, mais rien n’y faisait, l'adversaire ne le lâchait pas. Sentant la prise se resserrer, Rorim paniqua. En effet, la force de la main de son adversaire sur sa nuque le faisait atrocement souffrir, et éprouvait de plus en plus de la difficulté à respirer. 

« C’est ça, le fameux héros qui doit ramener l’ordre et la paix sur Eranne ? Laissez moi rire ! Tu n’est qu’un gamin ! » clama t-il d’une voix grave étrange, comme s’il crachait. Il resserra encore plus sa prise, et Rorim commença à étouffer, si bien qu’il ne se posa pas de questions sur ce que venait de dire l’homme. Toussotant, recherchant désespérément de l’oxygène, et crut voir son agresseur sourire sous sa capuche. 

« Tu te bats bien, je l’admets, mais tu es gênant. » Reprit l’homme.

Mais Rorim n’avait pas dit son dernier mot. Rapidement, il mordit à pleine dents la main qui le faisait souffrir. Poussant un hurlant, l’homme habillé de rouge le lâcha par réflexe, et tombant sur le sol, Rorim pu enfin respirer librement. Jamais il n’avait gouté à l’air comme il la goutta en se moment. Ce fut un délice pour son corps qui en avait été manqué pendant un bon moment. 

« M… moi ? Un… un héros ? » parvint-il a balbutier, encore sous le choc d’avoir vu la mort si proche. 

- Tu n’a jamais entendu les paroles de l’oracle ? rétorqua l’homme, comme indigné, et surtout fâché d’avoir été mordu.

Rorim jetta un coup d’oeil autour de lui. Une nouvelle fois, les mystérieux hommes faisait une muraille autour de lui. Par contre, celle-ci était plus petite comparée à la précédente, à cause de ceux que le jeune renard avait réussit à mettre hors combat.

- Quel oracle ? demanda t-il, curieux.

- Cela n’a aucune importance, lança l’homme musclé, qui regarda les autres. Prenez le cristal et tuez le ! cria t-il d’une voix forte et dissonante. Elle sonnait aux oreilles de Rorim comme un vase d’argile qui s’écrasait contre terre, qui se brisait en morceaux.

Le cristal ? Quoi le cristal ? Qu’est-ce qu’il avait de si important ce cristal ? Depuis qu’il l’avait en sa possession, Rorim était sûr et certain que ce n’était qu’un souvenir que sa mère lui avait donné en mourant. Mais il se rappela alors ce que sa mère lui avait murmuré à l’oreille : « Suis la marche des étoiles jusqu’à l’ouest, puis vers le sud, ensuite vers l’est et enfin vers le nord. Les constellations te guideront. Mon fils, n’ai plus peur de ta destinée, n’ai plus peur de ce que tu es. C’est lorsque l’on accepte qui l’on est que l’on vit pleinement… »

De retour dans le présent, le jeune renard vit les hommes se jeter sur lui, leur armes se préparants à le transpercer comme un vulgaire morceau de viande sur une brochette. Malgré tout, lui ne semblait pas s’en faire le moins du monde. En fait, une étrange force incontrôlable lui fit ouvrir sa besace. Rorim saisit alors le magnifique cristal translucide, où il aimait se mirer lorsqu’il était plus jeune. L’homme qui l’avait presque étranglé cria un « non ! » sonore, mais ce fut la dernière chose que le renard entendit. Saisissant la pierre, Rorim prononça une phrase incompréhensible sans même s’en rendre compte. « Ozit, dio koë, djenar. » Cela avait tout l’air d’elfique ancien, mais le renard ne s’en préoccupait pas. D’ailleurs, les personnes dans l’audience, qui fuyaient de plus en plus, terrorisés, auraient pu dires qu’il ne se contrôlait plus lui-même.

Après avoir prononcé ces étranges paroles, Rorim sentit une énergie intense le frapper, comme un éclair frappe un arbre lors d’un orage. Hurlant comme il n’avait jamais hurler, Rorim était sûr qu’il allait tomber en cendre. Il ferma les yeux et grinça des dents, mais tout ceux qui l’observait voyait qu’il avait maintenant le pelage d’un turquoise brillant, et lorsqu’il ouvrit les yeux, l’homme prit peur lorsqu’il se rendit compte qu’ils étaient blancs sans aucunes pupilles et qu’ils dégageaient une lumière insoutenable. Rorim avait en effet absorbé malgré lui l’énergie du cristal à l’intérieur de lui même, provoquant une transformation temporaire. Comment cela était-il possible ? S’élevant dans les airs, le renard lança des champs de force sans même le savoir autour de lui, semant la panique parmi ses assaillants, mais aussi parmi les gens qui étaient restés pour voir le fin mot de l’histoire. Les hommes habillés de rouge battirent en retraite, tandis que le chaos s’installait dans la place. Tout le monde, que ce soit hommes, femmes, enfants, ou même les bêtes courrait dans tout les sens, en criant. 

Quelques instants plus tard, l’étrange magie qui avait prit place se dissipa, et Rorim redevint normal. Néanmoins, il était épuisé, vidé de toute son énergie. S’écroulant sur le sol, il manqua de se faire piétiner par les gens qui courraient. Qu’est-ce qui venait de se passer ? Rorim ne comprenait rien du tout. À coup de grandes respirations, il tenta de se mettre debout, mais n’y arrivait pas. Était-ce cela que ça voulais dire, être épuisé à en mourrir ? Allait-il faire face à la mort une nouvelle fois ? Non ! Il ne voulait pas mourrir ! Pas comme ça, pas si jeune ! La vie entière lui tendait les bras, il ne voulait pas perdre l'occasion de s’y jeter. Mais au fond de son être, le jeune renard le savait, il devait fuir. Fuir loin, très loin. Il ne pouvait plus attendre l’arrivée de Séron. Il était menacé. 

Essayant une nouvelle fois de se lever debout, il poussa un soupir lorsqu’il s’écroula sur le sol. Il avait l’impression que ses jambes de répondaient plus du tout. Poussant quelques gémissements, il entreprit de ramper. « Et plus vite que ça, se dit-il, sinon je vais me faire piétiner ! »

Arrivant devant un abreuvoir pour chevaux, il regarda son reflet dans l’eau. Sa touffe de poils noirs sur la tête était toute crasseuse, il avait une plaie sanguinolente juste au-dessus de son oeil gauche, son bras droit était lacéré, et sa chemise toute déchirée. Sa fourrure était aussi toute recouverte de poussière.

« Pas beau à voir… » se dit-il. 

Grimpant tant bien que mal à un cheval, il ne remarqua même pas que celui-ci n’était pas scellé, donc qu’il devrait monter à crue. Saisissant les rennes de ce magnifique animal à la robe charbon, il n’entendit pas un homme qui sortait de l’auberge voisine en courant crier : « Hep ! C’est mon cheval ! »

Mais il était trop tard pour lui, Rorim partit au galop sans demander son reste. Effectuant des manœuvres impressionnantes pour éviter les gens en panique, il démontrait de ce fait qu’il était un cavalier talentueux. Poursuivit par d’autres étranges hommes vêtus de rouge, il ordonna au cheval de sauter par-dessus des caisses de légumes qui bloquaient la route. Après un périple à travers la ville de Forge, Rorim réussit à semer ses poursuivants et arriva enfin en vue des portes. Quittant la ville, il poussa un immense soupir de soulagement. Malheureusement, l’épuisement intense le frappa à nouveau. Tâchant néanmoins de retirer un éclat de verre de son jambe droite, il fut aussi étonné de voir que les éclats de la fiole qu’il avait lancé s’étaient rendus si loin. Mais Rorim perdait de plus en plus les dernières forces qui lui restait. Galopant à toute allure sur la route, ne sachant même pas où il devait aller, il éprouvait de moins en moins la capacité à se battre contre l’horrible envie de dormir qui était à présent son pire ennemi. 

« Je ne dois pas m’endormir… »

« Je ne dois pas m’endo… »

« Je ne dois pas… »

« Je ne dois p… »

« Je ne d… »

« Je ne… »

« Je… »

Les yeux du jeune renard se fermèrent alors d’eux-même et il n’arriva plus à les rouvrir. Ses paupières étaient aussi lourdes que du dracomiant, cette pierre qui était considérée comme la plus solide, mais aussi la plus lourde de tout Eranne. Malgré lui, Rorim s’endormi. Le sommeil avait gagné cette bataille.

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Chapitre V[]

Filant à toute vitesse dans l’air, la flèche alla terminer sa course au beau milieu d’une cible, suspendue à une branche d’arbre par une corde grossière. Une jeune fille abaissa son arc, esquissant un faible sourire, qu’elle effaça d’un coup cependant. Son père n’était pas là pour la féliciter ou l’encourager, chose qu’il faisait toujours d’habitude. Grim Greycastle, rôdeur des plaines du sud d’Yria, était partit, selon ses mots, à un rassemblement. Tamara, sa fille unique, trouvait ceci bien louche. En effet, la vocation d’un rôdeur l’amène à travailler en solitaire, ce qui lui permet d’ailleurs de mieux suivre et chasser ses ennemis. Un rassemblement venait, selon la jeune fille, à l'encontre des convictions de cette vocation, vocation qu’avait choisit son père, vocation à cause de laquelle sa mère était morte, vocation qui semblait ne lui apporter que du malheur. Or, Tamara ne se plaignait jamais. Nourrissant une peur intense que son père la déteste, elle faisait tout ce qui était en son pouvoir depuis sa plus tendre enfance pour suivre ses pas, pour qu’il soit fier d’elle, pour qu’il ne l’abandonne pas. C’était la seule famille qui lui restait…

À seize ans, cela faisait depuis l’âge de quatre ans, donc depuis douze ans qu’elle suivait un entraînement très difficile imposé par son père, entraînement qui lui permettrait de survivre dans la nature sauvage et hostile, déclarait-il. Lutte à main nue, combat à l’épée, tir à l’arc, quelques rudiments de base de l’art magique, reconnaître les fruits comestibles… À cela, Grim ajoutait de longues promenades à cheval tout autour du sud d’Yria, territoire sous sa charge, ce qui faisait que Tamara connaissait maintenant chaque arbre, chaque feuille morte, chaque brin d’herbe. D’ailleurs, son entraînement semblait porter ses fruits, car elle était capable de vaincre un ennemi armé même si elle était désarmé, maîtrisait le maniement de l’épée comme de l’arc, maîtrisait les quelques sorts qu’elle avait apprise de son père et était capable de dire uniquement par la vue quelles baies était toxiques et quelles étaient propres à la consommation humaine. Comme son père disait, elle devenait de jour en jour un excellent rôdeur, ce qui ne manquait pas de la faire sourire.

Très longue Chevelure rousse tressée où étaient piquées quelques fleurs des champs, teint bronzé par le soleil des plaines où elle avait toujours vécue, elle avait des yeux verts magnifiques en amande, yeux qui pétillaient d'émerveillement et d’intelligence. Elle avait aussi un nez fin et des taches de rousseurs qui lui donnait un petit air mignon et portait une courte tunique verte sapin dessous une armure de cuir noire. Elle portait une petite besace à sa taille, de même que dans son dos, un carquois noir charbon remplis de flèches de la même couleur. Elle prépara une autre flèche et tira. Même si elle était très loin de la cible et qu’une brise modérée soufflait sur le bosquet où elle se trouvait en ce moment même, la flèche alla elle aussi se planter directement dans le milieu de la cible, comme sa comparse quelques minutes auparavant. Lasse de toujours tirer sur cette cible, qui ne lui apportait plus aucune difficulté, Tamara visa dans le feuillage de l’arbre, qui était en fait un chêne. De son regard perçant, elle avait aperçue de petits glands. Plissant les yeux, elle prépara une nouvelle flèche, puis tira. Un faible tac se fit entendre, et la flèche tomba sur le sol, un gland sur sa pointe.

« Tu m’impressionnes ! »

Tamara se retourna d’un coup, son coeur effectuant un grand bond dans sa poitrine. Un homme, grand et costaud, venait d’apparaître entre les arbres. Elle courut se jeter dans ses bras.

« Oh père ! Vous m’avez fait peur ! »

Grim Greycastle était habillé de la même manière que sa fille, mais avait quant à lui une chevelure châtaigne en désordre. Il avait aussi une barbe très fournie, démontrant qu’il se moquait un peu de l’allure de son visage. Par contre, il avait de grands cernes dessous ses yeux marrons, trahissant le fait qu’il avait sûrement passé une longue nuit blanche à chevaucher.

« Où est, ton cheval ? Je ne le vois pas », dit Tamara en se dégageant.

« Norem ? Je l’ai laissé près de la mare aux libellules, ma mésange. Il doit-être en train de se désaltérer. »

Tamara sourit. Son père la surnommait toujours « Ma mésange », et cela démontrait donc qu’il était heureux de la retrouver, car il était toujours joyeux lorsqu’il utilisait ce surnom. D’ailleurs, contrairement à bien des surnoms que les parents pouvaient donner à leurs enfants, Tamara l’appréciait. Lorsque son père la surnommait de cette manière, elle se rappelait les bons moments passés en famille avec sa mère. En effet, lorsque sa mère, Amafrey, était encore en vie, c’était elle que Grim surnommait « Ma mésange », et Tamara se sentait donc honorée d’hériter de cette appellation.

« Tu es magnifique lorsque tu souris ma chérie. » dit Grim d’une voix pleine de tendresse. « Tu ressemble tellement à ta mère… » 

La jeune fille vit que son père s’était raidit, et que son sourire chaleureux s’était évanouie. Elle avait remarqué qu’il agissait toujours de la sorte si Amafrey apparaissait dans une discussion. Enlevée par des orques lorsque Tamara avait trois ans, Amafrey avait ensuite été déclarée morte, et Grim culpabilisait sur la mort de sa femme, se tenant pour responsable. En effet, lorsque le drame arriva, il était partit plusieurs jours pour aider un autre rôdeur et ami d’enfance, Lander Hornraven, à combattre et chasser des envahisseurs kobolds. À son retour, sa fille était seule et pleurait à chaudes larmes. Il comprit tout de suite ce qui s’était passé, et réconforta sa fille. Malheureusement, ce fut à son tour de tomber dans la tristesse, et le désespoir et la déprime firent partie de sa vie depuis ce jour.

« Père, qu’est-ce qui ne va pas ? » hasarda Tamara, d’une voix un peu timide.

- La tribu barbare de Wildwind a refusée de nous prêter main forte. Ce ne sont que des ingrats, après tout ce que le roi d'Yria a fait pour eux... Cela fait maintenant presque dix-huit ans, et ils répondent de moins en moins de la confiance que le roi avait envers eux…

- Avez-vous d’autres recours au lieu d’eux ?

- J’ai bien peur que non…

Tamara regarda son père. Non, elle le connaissait trop bien pour que ce ne soit que cela qui le tracasse. Il se tramait quelque chose de bien plus grave.

- Vous êtes sûr que ce n’est que ça ? demanda t-elle.

Grim soupira. Jamais il ne pouvait cacher quelque chose à sa fille.

- D’accord, je vais tout te dire. Lors de mes dernières expéditions vers les terres stériles, je me suis rendu compte de deux choses : Les forces d’Aznaroth se déchaînent. Les cadavres ambulants à ses ordres se rassemblent, et leurs alliés semblent les rejoindre. De même, les cieux sont en crise, les étoiles, inquiètes.

Tamara était stupéfaite de ce que venait de lui révéler son père. Elle réussit néanmoins à retrouver assez de souffle pour répondre.

- Mais le Seigneur Témnor est mort non ? Pourquoi son général regroupe t-il activement les armées ténébreuses ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

- Un événement très grave est arrivé aujourd’hui. J’ai entendu la nature le murmurer doucement à qui voulait bien l’entendre, aux oreilles attentives. 

Grim prit une pause, comme s’il cherchait ses mots. Voyant son visage angoissé, Tamara garda le silence, qui devint lourd. Regardant sa fille dans les yeux, le vénérable rôdeur reprit la parole avec un ton sérieux.

« Témnor n’est pas mort, loin de là. Ce n’est qu’une rumeur, mit en place par les grands hommes de jadis afin de rassurer les pauvres gens troublés par la grande guerre. En vérité, le Seigneur des Douleurs n’est en fait que prisonnier du néant, d’où il prépare sa revanche sur toutes les formes de vie d’Eranne, sur lesquels il ne veut que déverser sa haine telle un torrent. Qui plus est, un Phospharin, ces cristaux magiques, a été découvert et même utilisé, témoignant qu’il reste un dernier être marqué du don de cristal en ce monde, qu’ils ne sont pas tous mort. C’est pour cette raison que les Terres Stériles ont un soudain gain d’activité. Aznaroth veut tuer le cristallier comme il a provoqué la mort des autres et récupérer les Phospharins pour restaurer le corps et la puissance de son maître afin de plonger le monde dans des ténèbres éternelles, accompagnés de douleurs insoutenables. »

Tamara réfléchit. Les Phospharins, ces mystérieux cristaux légendaires, avaient étés créés par Unianir lui-même. Selon les contes et les légendes, ce fut les toutes premières étoiles forgées par le grand dieu pour éclairer le néant. Très importants à ses yeux, ces cristaux avaient une immense concentration d’énergie divine en leur sein. À cause des manigances de Témnor, ils étaient tous, au nombre de sept, tombés sur Eranne, et affaibli par cette perte, Unianir marqua un être au coeur pur d’une volonté et d’une force psychologique inimaginable, afin de regrouper les Phospharins perdus et les renvoyer dans les cieux, là d’où ils viennent. Cet être et ses descendants furent nommés « cristallier », ou Nor’sarem en elfique, soit littéralement « Ceux marqués ». Seuls ces êtres pouvaient contrôler et user à son plein potentiel l’énergie divine à l’intérieur des Phospharins. Malheureusement, Témnor avait jeté son dévolu sur ces cistaux, et son général Aznaroth cherchait par tous les moyens de s’en emparer pour le compte de son maître. Il avait qui plus est provoqué la mort de tous les cristalliers existants, ou du moins, c’est que tous les sages pensaient jusqu’à présent. Qu’un nouveau cristallier fasse parler de lui venait changer la donne. Étant le seul à pouvoir contrôler le pouvoir fascinant des Phospharins, les forces du bien comme celles du mal le pourchasseront pour l’avoir dans leurs rangs. La jeune fille ignorait qui il était, mais elle se disait qu’elle n’aimerait pas être à sa place actuellement…

Sinon, elle songeait à ce que son père venait de lui annoncer. Yria, sous occupation orque, attendait toujours son sauveur, son prince, alors que le général du Seigneur des Douleurs rassemblait activement les armées de la mort. Décidément, Tamara ne savait pas où donner de la tête. Cependant, elle se disait aussi que sans les forces des tribus barbares, reconquérir Yria était peine perdue. Grim prit les mains de sa fille.

- Tamara, je dois t’annoncer que les rôdeurs doivent tenir conseil dans deux jours près de l’enclave druidique d’Eratorn. Je vais donc partir demain matin. Néanmoins, j’ai une tâche importante à te confier.

La jeune fille parue surprise. Son père la quittait une nouvelle fois ? Elle prit tout de même son air sérieux pour répondre.

- Quelle est t-elle ? 

- Retrouve le mage Séron. Il faut absolument l’avertir de ce qui se trame dans les Terres Stériles !

- Quand partirais-je ? demanda t-elle.

- Immédiatement, répondit Grim du tac au tac. Au dernière nouvelles, Séron était partit à la recherche de l’héritier des Dorwann, ce qui signifierai qu’il serait peut-être dans les environs de l’Ithagar. Va, ma mésange.

Tamara ne savait que répondre. Ce que venait de dire son père lui avait fait l’effet d’un choc terrible, aussi horrible que celui qu’elle eu plus jeune lorsqu’elle réalisa que sa mère était morte et donc qu’elle ne serait plus là pour prendre soin d’elle. Elle se jeta dans les bras de son père, les larmes aux yeux.

- Ne me laissez pas derrière une nouvelle fois père, je vous en supplie ! s’écria t-elle doucement. 

Son lui caressa les cheveux en essayant d’esquisser un sourire.

- Il le faut, Tamara. Montre moi ta force, montre moi ton courage !

La jeune fille n’avait rien répondu, sachant qu’il était impossible faire changer d’idée son père, homme horriblement têtu. Elle se mit donc à préparer ses armes, son équipement et des provision tandis que Grim son père alla chercher Norem, le cheval, à la mare aux libellules un peu plus loin. En effet, il a avait dit à sa fille qu’il irait à la rencontre entre rôdeurs à pied pour lui laisser l’animal, car elle avait beaucoup plus de trajet à faire que lui. Après les derniers signes d’adieu à son père, Tamara, l’âme en peine, sortit de la forêt et galopa vers l’Ithagar. Elle n’avait pas vue que d’étranges yeux brillants cachés dans les broussailles l’épiaient…

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Chapitre VI[]

Le soleil brillait de toute sa force en cet après-midi, alors que le vent soufflait furieusement sur la surface du désert Zorastre, soulevant le sable, la poussière et parfois même des brindilles ou des petites roches. L’air était suffocante et le paysage composé de dunes se faisait et se défaisait au hasard selon le bon vouloir les bourrasques de ce vent fou, ne restant jamais le même. Le désert du Zorastre, territoire situé tout au sud d’Eranne séparait les terres connues des mystérieuses terres orientales, où ne vivaient selon les histoires et les contes populaires uniquement des hommes mauvais et des monstres abominables. Immense étendue de sable balayé par les vents plus violent les uns que les autres, l’endroit ne comprenait presqu’aucun élément distinctif pour se repérer, ce qui expliquait que de nombreux infortunés voyageurs s’y étaient perdus et étaient morts de soif. D’ailleurs, le sable brûlant qui se mouvait comme des vagues de l’océan de ce lieu surnommé « La mer de sable » dévoilait de temps à autres des squelettes et autres ossements desséchés.

Soudain, quelque chose apparue à l’horizon, quelque chose qui créait un contraste avec le décor. On pouvait voir que cette chose était en fait la silhouette d’une personne couverte de voiles, comme si elle voulait passer inaperçu dans cet endroit désert, de même que se protéger des rayons horriblement chauds de l’astre du jour. Néanmoins, il lui arrivait de temps en temps de s’arrêter et de regarder autour d'elle, comme si elle redoutait d’être suivit.

Malgré les voiles, il était possible de voir que cette personne était un homme d’environ une trentaine d’année. Yeux d’un vert brillant, il abordait un visage sérieux ainsi qu’une barbe mal rasée. Continuant son chemin pendant un certains temps en zigzaguant à travers les dunes, il arriva finalement devant ce qui semblait être des ruines d’une vielle forteresse creusée à même les rochers. Devant le portail qui conduisait dans la pénombre, deux statues à l'effigie de dragons des sables étaient ensevelis au trois quart sous les grains de sable. Qui plus est, des morceaux de colonnes brisées presque toutes ensevelies elles aussi jonchaient le sol. L’homme avait acquis assez de connaissance en étudiant d’anciens écrits dans les bibliothèques des villes pour savoir que ces ruines n’étaient en fait pas une forteresse malgré les apparences, mais un tombeau, peut-être d’un chef de tribu ou d’une autre personne importante. En effet, certaines légendes parlent de tribus d’hommes sauvages vivants dans le sud, plus précisément dans les régions désertiques. Cependant, ces tribus, si elles ont vraiment existé, étaient maintenant disparues depuis très longtemps. Entrant sur ses gardes dans les ruines sans faire aucun bruit, l’homme tendit l’oreille, puis scruta l’obscurité de ses yeux perçants. S’engageant dans une grande salle au bout d’un couloir avec prudence, il cru voir des formes étranges disparaître derrière des rochers ou derrière des débris. L’homme esquissa un sourire, ayant la certitude que ce qu’il était venu cherché était bien là. Prenant une grande respiration, il annonça ensuite sa présence d’une voix forte.

- Je désire m’entretenir avec le dénommé Cyrus, annonça t-il. C’est important, et même très urgent !

Son propre écho lui répondit.

Autour de lui, le plancher recouvert de poussière de l’antichambre où il se trouvait était jonché de débris, mais il y vit plusieurs empreintes de pas, comme si plusieurs personnes venaient couramment en cet endroit. Avançant dans la salle sombre, il n’entendait que ses propres pas ou encore le sifflement du vent à l’extérieur. Passant une arche décorée de bas-reliefs, il se retrouva dans une nouvelle salle, qui semblait avoir autrefois servit pour les cérémonies funèbres. En effet, une grande table de pierre se trouvait au centre de l’endroit, table qui était cependant fendue en deux. Sûrement un effet du temps. Aussi, un mur de pierre s’était effondré, entraînant avec lui le plafond, dévoilant un second étage et une salle où étaient jadis entassés les richesses de celui qui était entreposé dans le tombeau. Or, comme il fallait s’y attendre, ces trésors avaient été pillés naguère. L’homme sourit et eu selon lui une nouvelle preuve que ceux qu’il cherchait était ici lorsqu’il vit des restes de nourriture fraîche abandonnés sur un coin de la grande table.

- Je désire m’entretenir avec le dénommé Cyrus, annonça t-il de nouveau. Mon nom est Vilox, je viens en paix. Je le répète, c’est important, et très urgent !

Vilox répéta plusieurs fois le même message. La troisième fois, las de n’avoir aucun résultat, il afficha une moue agacée et décida de faire demi-tour, lorsqu’il entendit une voix grave et rauque lui étant adressée.

- C’est le dénommé Cyrus qui te parle. Que nous veux tu en ces temps troublés ?

Vilox vit des gobelins à la peau verte et aux oreilles noires sortir des décombres partout dans les ruines. L’un d’entre eux portait une grande cape noire déchirée de même qu’un collier d’or au cou et qu’un anneau d’argent à l’oreille. Qui plus est, il s’appuyait sur un vieux bâton noir, où brillait une pierre précieuse. En le voyant, l’homme sut que c’était bien leur chef, Cyrus. Celui-ci reprit la parole :

- Mon peuple voit sa disparition venir un peu plus chaque jour. Les nains des lointaines cavernes souterraines ont envoyés des mercenaires impitoyables à nos trousses, qui exterminent nos convois et qui nous empêches ainsi d’être ravitaillé. Si cela ne change, c’est la mort qui nous attend. Le peuple des gobelins des sables disparaitra à jamais de la surface d’Eranne.

L’homme le considéra un moment. Il était vieux, mais avait l’air toujours aussi vigoureux que dans ses jeunes années. Cyrus était un chef de guerre qui était bien connu jadis. Malheureusement pour lui, le déclin de son peuple l’emplissait de honte.

Peuple aux origines obscures, les gobelins des sables avaient été l’un des derniers peuples à apparaître dans le monde. Cousins des gobelins habitués à la chaleur brûlante de leurs habitats désertiques, ils avaient par contre des relations extrêmement tendues avec ces derniers. Les gobelins nourrissaient une haine incroyable envers tous les autres peuples, surtout les humains et les elfes, alors que les gobelins des sables étaient neutres, allant même jusqu'à  admirer les elfes et à s’allier temporairement à d’autres races comme les humains. Néanmoins, la dernière alliance de la sorte remontait à bien longtemps. D’ailleurs, les nains, pour une raison inconnue, commencèrent peu de temps auparavant à les affaiblir, puis cherchait depuis peu à les éradiquer définitivement. Cyrus et les siens se demandaient bien pourquoi les nains leur démontraient tant d’animosité. Jamais les gobelins des sables n’avaient été une quelconque menace pour ce peuple de mineurs.

- Justement, répondit Vilox, je viens vous proposer une alliance avec les légions des Capes, plus précisément, avec ma division des Capes.

- Pourquoi seulement votre division ?

- Tout simplement parce que mon chef est devenu fou. Il a perdu foi envers le retour de l’héritier légitime du trône d’Yria alors que nous avons jurés allégeance au roi Eron, de la Maison des Dorwann lorsqu’il était encore de ce monde.

Sur ces mots, Vilox marqua un moment de silence, par respect pour le roi humain qu’il servait qui avait été assassiné lâchement par des orques lors de l’invasion d’Yria une dizaine d’année auparavant. Or, il reprit rapidement la parole.

« Qui plus est, mon chef s’est mit à utiliser les légions des Capes pour ses propres ambitions. Il a même refusé une proposition d’alliance de la part de l’armé d’or, cette légion qui selon les légendes aurait été choisie par les dieux pour ramener la paix sur Eranne.

Cyrus réfléchit alors quelques instants avant de répondre.

- Nous avons bien besoins d’alliés si nous ne voulons pas disparaître. Mais j’hésite…

- Et je vous promet un objet précieux et d’une grande utilité si vous acceptez, répliqua Vilox.

Cyrus réfléchit à nouveau, et demanda même conseil à ses plus grands guerriers encore vivant. L’homme ne comprenait pas la langue des gobelins, langue constituée de bruits de gorges, de grognements et de sifflements bizarres, mais il crut comprendre que Cyrus et ses guerriers se disputaient. Néanmoins, peu après, ils se calmèrent et leur chef regarda Vilox.

- Nous acceptons ton offre, dit-il, en lançant un regard noir à l’un de ses guerriers, qui baissa les yeux.

- Bien, répondit l’homme en faisant comme s’il n’avait rien vu. Vous ne regretterez pas votre décision.

- Je l’espère, répliqua le gobelin.

Vilox sorti alors un cristal turquoise de ses vêtements. L’objet, entrant en contact avec l’air, se mit alors à illuminer la salle d’une faible lumière bleuâtre. Les gobelins présents reculèrent de surprise. Certains murmuraient dans leur langue que c’était un des fameux Phospharins, ces pierres divines.

- Voilà ce que je vous offre déjà en signe de ma bonne foi, annonça Vilox. C’est peu, mais mieux que rien pour commencer.

Cyrus ne dit rien, mais s’approcha, et, tremblant, saisit la pierre que son interlocuteur lui tendait. Il tenait un Phospharin ! Il avait enfin les moyens de sauver son peuple ! Avec cette pierre, plus aucun être ne leur résisterait.

- La fin des gobelins des sables n’est pas pour tout de suite, continua Vilox sur un ton neutre. Ton peuple a encore de grands jours devant lui, Cyrus. Démontrez aux nains que ces mercenaires qui vous menacent ne sont pas de taille à vous affronter ! Démontrez que les dragons qu’ils dirigent ne sont qu’une blague ! Montrez votre nouvelle force au monde entier !

Une clameur éclata dans les rang des gobelins. Leur chef les fit taire, puis s’écria :

- Les mercenaires d’Œil de Lynx veulent nous détruire, et bien, c’est le contraire qui se produira ! Ce sont eux qui seront détruit ! Mes chers gobelins, mes enfants, je vous le dis : nous vaincrons !

Une nouvelle clameur éclata, encore plus forte que la précédente, tandis que de plus en plus de gobelins sortaient de leur cachettes, agrandissant les rangs. Cyrus esquissa un sourire, puis poursuivit. Cela faisait une éternité que ses guerriers n’avaient pas crié de la sorte, sûr de leur victoire.

- Grâce à notre Phospharin et à nos nouveau alliés, la légion des Capes, nous retrouverons notre gloire passée et disparue, et nous irons même jusqu’à éliminer les nains, ainsi que tous les peuples qui se lèveront sur notre chemin ! N’ayons plus peur ! Battons-nous !

La clameur qui éclata cette fois-ci démontra que tous les gobelins se retrouvaient assemblés dans ces ruines, dans cette salle, et acclamait leur chef ainsi que Vilox, qu’ils considéraient tous comme un sauveur. Cependant, celui-ci sourit malicieusement, voyant qu’il avait réussit, les gobelins des sables étant maintenant à sa merci. Il jubilait, car son plan allait en plein dans la direction qu’il espérait. Il ne manquait plus qu’à convaincre Sareena, la femme télépathe maîtresse de la magie de l’esprit qu’il avait aimé quelques années auparavant, mais qu’il avait quitté à cause d’un conflit, et tout serrait parfait. S’il arrivait à la convaincre, ils pourraient retrouver ensemble le dernier cristallier et s’occuper du cas de l’héritier d’Eron et des Dorwann. En effet, Vilox savait qu’un dernier être marqué du don de cristal vivait, qu’ils n’étaient pas tous morts. Il savait ce qui s’était passé à la ville de Forge, qu’un Phospharin avait été vidé totalement de son énergie, et qu’il l’avait par la suite retrouvé. Il ne fallait pas être le plus grand des sages pour déduire et comprendre qu’un cristallier, peut-être le dernier, vivait, car seule la marque du don de cristal permettait à un être de contrôler les cristaux magiques que sont les Phospharins à leur plein potentiel.

Quoi qu’il en soit, son œuvre achevée, Vilox fit demi-tour sans grande cérémonie et quitta les ruines, se retrouvant dans le désert. En ce crépuscule doré, le soleil commençait déjà à disparaître, diminuant radicalement la chaleur torride du lieu. Marchant à travers les dunes comme à l’allée, Vilox s’arrêta soudainement, et observa attentivement autour de lui.

Une silhouette voilée de la même manière que lui s’approcha.

- Alors ? Demanda le nouvel arrivant.

- Mission accomplie, dit Vilox. Cyrus et ses hommes ont acceptés. Ils sont tous sous le charme du cristal et se sentent invincible, comme prévu.

- Bien.

Les deux hommes marchèrent alors côte-à-côte dans le désert, disparaissant derrière un immense nuage de poussière transporté par la furie du vent. Mais il forme noire qu’ils n’avaient pas vu sauta alors de derrière des ossements d’un dragon. La forme noire, qui était en fait une jeune femme, avait tout entendu.

« Ainsi, tu veux jouer au plus malin, Vilox. » pensa t-elle.

Levant les mains vers le soleil qui disparaissait tranquillement à l’horizon, elle disparue à son tour dans un éclair de lumière bleutée, tandis que le silence retombait dans le désert.

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Chapitre VII[]

Une jeune femme, toute de blanc vêtue, montait lentement, sans bruit, un grand et spacieux escalier de marbre sans jamais se retourner ou s’arrêter. Très longue chevelure blonde, yeux bleus, gracieuse et très belle, elle avait l’air très jeune et certains aurait même pu croire qu’elle n’était pas humaine, à cause de cette apparence presque divine. En fait, les oreilles plus arrondies que des elfes, elle était une demi-elfe, mais certains pourrait croire par sa beauté qu’elle était un ange. Qui plus est, elle portait un paquet recouvert d’étoffes d’un blanc pur qu’elle serrait contre son coeur. Sans s’arrêter, elle continuait de monter avec toujours la même cadence cet escalier qui semblait sans fin. En effet, l’escalier principal du château de la maison des Dorwann, situé sur le plateau d’Edianor au milieu des montagnes de poussières, était réputé pour être le plus grand et le plus haut de tous ceux que les hommes avaient construits dans leurs architectures. Surplombant l’empire d’Yria de sa majesté, il était immense, et même démesuré.

Néanmoins, l’escalier que grimpait la jeune femme n’avait pas toujours la même trajectoire. Parfois, il montait en ligne droite, d’autres fois, il se mettait à tourner comme un serpentin en encore en colimaçon alors que d’autres fois il montait perpendiculairement en montant par un angle de quarante-cinq degrés vers la gauche, puis à nouveau quarante-cinq degrés vers la droite. Qui plus est, l’escalier pouvait se diriger à l’intérieur du château entre les différentes pièces des différents étages comme à l’extérieur sur les remparts bordant de très grandes tours. Dans le couloir dédié à l’escalier, nul bruit. Il la femme n’entendait que le bruit angoissant de ses propres pas, de même que sa respiration régulière.

D’une voix mélodieuse et douce, elle entonna un chant qu’elle connaissait bien.

À jamais, tu reste dans mon coeur
Dès notre première rencontre
Je t’ai aimé malgré mes malheurs

Je t’ai aimé
Toi, qui reste sans répondre
toi, douceur incarné

À jamais, tu reste dans mon coeur
Même si tu es partie au loin
L’amour vainc ma peur

À jamais, tu reste dans mon coeur
Dès notre première rencontre
Je t’ai aimé malgré mes malheurs

Continuant de monter l’escalier, la jeune femme arriva enfin quelques instants plus tard devant une grande porte forgée dans le métal qu’elle poussa pour ouvrir. Cette dernière s’ouvrit d’ailleurs dans un très puissant grincement, qui la fit grimacer. Il faut croire que cette porte n’avait pas été ouverte depuis des lustres. Passant la porte, le soleil couchant du crépuscule l’accueilli. Elle était au sommet de la plus haute tour du château, tour qui atteignait les nuages. La vue qui se présentait à elle était d’ailleurs magnifique, à couper le souffle. Devant elle, les montagnes de poussières s’étendait très loin, puis venaient les collines puis les vallées qui s'étendaient elles à perte de vue. Le soleil crépusculaire les frappaient d’ailleurs de ses derniers rayons, apportant des touches d’orange, de jaune ocre et de doré dans le paysage.

Pourtant, la jeune femme ne s’attarda pas le moins du monde au spectacle qui se déroulait au contrebas. S’approchant du muret, elle y monta, au risque de tomber et de chuter d’une hauteur inimaginable. Levant le paquet vers le ciel, elle déclara d’une voix forte :

« Ô Unianir ! Nous remettons notre esprit entre tes mains. Daigne jeter sur eux un regard de pitié, toi qui n’est que bonté et miséricorde ! »

Au même moment, franchissant le pont qui menait au château avec son régiment, un jeune homme, peut-être dans la fin vingtaine, semblait heureux. En effet, c’était le prince Abel, et son père le roi venait de lui annoncer le matin même qu’étant trop vieux, il lui laisserai le trône pour se retirer. Abel était fier, sachant que son père, sévère, venait de lui démontrer une immense confiance. Non, il ne le décevrait pas.

Vêtu d’une chemise blanche, d’une ceinture et d’un pantalon noir, et portait par-dessus son armure royale, armure faite d’argent terminée par une cape bleue foncée. À un doigt de sa main droite figurait sa chevalière d’or où étaient gravés le blason des Dorwann, un renard des neiges. Chevelure en désordre noire, yeux d’un d’un bleu profond, Abel était très musclé, ce qui démontrait l’entraînement qu’il suivait depuis qu’il était tout petit. En effet, il avait été formé très tôt, dès l’âge de cinq ans, à l’art de la guerre. Au début, son entraînement n’était pas trop sévère, mais viens un temps où l’empire fut en état d’alerte à cause de mouvements étranges du côté des orques du nord. L’entraînement du jeune prince devint alors très dur, pour bien le former et le préparer à toute éventualité. En ce moment, il revenait avec le régiment qu’il dirigeait d’un exercice de routine à la frontière ouest de l’empire. Lui et ses hommes avaient donc été absent une semaine entière, mais ils étaient à présent de retour. Ah, comme il avait hâte de retrouver Trym, celle qui partageait sa vie depuis maintenant trois mois ! Ah, comme il avait hâte de les serrer elle et leur fils dans ses bras !

« Hé, regardez ! Il y a quelqu’un au sommet de la tour d’Hordur ! » Cria soudainement l’un des hommes qui étaient proches du prince.

Comme de nombreux autres hommes du régiment, Abel plissa les yeux pour mieux voir.

- C’est sans doute un fou ailé, proposa quelqu’un.

Ces fou ailés étaient des individus qui croyaient pouvoir voler en s’aidant uniquement d’ailes grossières en bois. On en voyait souvent dans les villages, se jetant des plus hauts toits.

- Je ne crois pas, déclara quelqu’un d’autre.

- Oui, ça m’a tout l’air d’une femme, et elle a l’air d’être vêtue d’une tenue de cérémonie, répondit une autre voix.

Lorsqu’il la vit enfin, le coeur d’Abel fit un énorme bond dans sa poitrine. C’était Trym ! Mais que faisait-elle au sommet de la tour la plus haute du château ? Était-elle devenue folle ? Le jeune prince se mit à courir le plus vite qu’il le pouvait sur le grand pont. Néanmoins, il ne lâchait pas le sommet de la tour des yeux.

« Trym ! Trym ! Qu'est-ce qui te prend ? » Cria t-il à s’en briser la voix. Malheureusement, celle-ci ne semblait rien entendre. Abel continuait de s’époumoner, en vain.

Esquivant de justesse un cavalier, puis une calèche, réfléchissait à haute voix.

« Pourvue que rien de grave n’arrive, pourvue que rien de grave n’arrive ! Je vous en supplie ! »

Tout à coup, Abel s’arrêta net. Trym venait de basculer dans le vide. Dès à présent, elle chutait dans le vide. Emplit d’incompréhension, le jeune prince crut voir le temps s’arrêter pendant un instant. Pourquoi désirait-elle la mort ? Son amour ne voulait rien dire pour elle ? D’ailleurs, sur le pont, le silence était tombé, un silence de mort. Comme la mort qui s’abattrait bientôt sur la pauvre Trym. Qui plus est, tout le monde, hommes, femmes, enfants présents sur ce pont géant très fréquenté regardait attentivement la scène avec effrois.

Trym s’écroula sur le sol dans un grand bruit. Se jetant à genoux à côté d’elle, Abel pleurait. Il fut néanmoins surpris lorsqu’elle lui saisit la main.

« Tout… tout ira bien à… à présent » dit-elle difficilement.

Elle était encore en vie, mais Abel savait que sa chère Trym allait mourrir dans peu de temps, son corps étant brisé et son sang se déversant sur le pont. Les larmes aux yeux, le prince parlait d’une voix pleine de sanglot.

« Pourquoi… pourquoi… je veux savoir pourquoi… »

- Tout ira… ira bien à présent, répéta t-elle d’une voix de plus en plus faible. Tu n’auras plus à… à t’en faire pour… pour moi.

- Non ! Non ! s’écria Abel. Reste avec moi… je t’en supplie…

Il serra plus fort la main de sa bien-aimé. D’un coup, ce qui avait autour d’eux disparu, laissant place à des pierres noirs et à une chaleur insoutenable. Des flammes et du magma en fusion brûlaient aux alentours. Où étaient-ils ? Que c’était-il passé ? Abel l’ignorait. Soudain, un flash lumineux révéla une grande forme noire. Recouverte d’une armure de ténèbres, elle avait deux grands yeux où brûlait une haine éternelle.

« Témnor… » se dit Abel.

Il comprit alors se qui s’était passé : l’influence maléfique du Seigneur des Ténèbres attaquait sa bien aimée, marquée du don de cristal, que nombreux étaient ceux qui le considéraient comme une malédiction. À subir ainsi les affronts de Témnor, Trym avait décidé sans doute d’en finir et de s’enlever la vie. Or, à nouveau, ce qui était autour d’eux disparue, pour laisser place au soir près du château. Ils étaient revenus sur le pont. Avec le tout dernier rayon du soleil, Abel réalisa que le paquet que sa bien-aimée avait en main gigotait. Le saisissant dans ses bras, puis retirant les couvertures, il vit soulagé que miraculeusement, son fils n’avait rien. Celui-ci pleurait à chaudes larmes, comme pour demander sa mère. Le jeune prince le serra contre son coeur et pleura avec lui. Sa chère Trym était maintenant morte, sa chute avait eu raison d’elle. Déposant un dernier baiser sur les lèvres de celle qui partageait sa vie, Abel, en rage, essuya ses larmes.

« Je te le jure, Trym, Témnor payera. »

Résiliant, Abel porta son regard vers l’horizon, puis ferma les yeux. Le vent qui s’était levé faisait danser tristement sa chevelure.

Plus tard, il était dans la salle du trône du château et parlait avec son père. Leur conversation portait évidemment sur le triste événement qui venait de se produire.

- Pardonne moi, mon fils. C’est de ma faute si elle a montée en haut de la tour, je ne l’ai pas vu passer.

- Je ne vous en veux pas père, c’est Témnor le responsable, c’est lui qui l’a mené à la folie.

- Ainsi, les oracles disaient vrai ? Le Seigneur des Douleurs est de retour ?

- J’en ai bien peur, répondit Abel, songeur.

D’un coup, la scène changea. Abel semblait plus vieux. Portant son armure de cérémonie, il avait sa main droite sur le livre saint d’Unianir.

« Je jure de protéger ceux qu’on appelle cristalliers au péril de ma propre vie. Il y en a trop qui sont mort pour rien. Que nous soyons maudit, moi et mes descendants, si nous ne tenons pas ce serment. »

Icarion détacha alors les yeux de la pierre que Séron lui avait donné. Il était sous le choc de ce qu’il venait de voir. Il avait vraiment vu Abel Dorwann, son ancêtre ?

Le jeune homme porta son regard sur Séron. Étant bientôt en vue de la ville de Forge, ils avaient ralentit la cadence de leur chevaux pour ne pas attirer l’attention sur eux. Ceux-ci avançaient d’ailleurs au pas. En effet, des patrouilles orques pouvaient se cacher n’importe où, il fallait se montrer prudent. Le jeune homme en avait donc profité pour regarder avec attention la pierre à l’éclat bleuté que le mage lui avait donné avant de partir de l’Ithagar, mais ne s’était pas du tout attendu à voir ce qu’il avait vu. Ainsi, la compagne d’Abel était elle aussi marquée du don de cristal, et était devenue folle par la faute du Seigneur Noir, folie qui l’avait poussée à se suicider. Mais Icarion se demandait, son père, Eron, était-il au courant du serment d’Abel ? Néanmoins, pour le jeune homme, cela signifiait que la protection du dernier cristallier encore en vie, le renard qui avait été cité par Séron, reposait dorénavant sur ses épaules. C’était sa responsabilité, puisqu’il était descendant de celui qui avait prêté serment.

- Il est de ton devoir de protéger Rorim, ce jeune renard à trois queues, lui dit Séron d’une voix autoritaire. Sa vie est maintenant entre tes mains, que tu le veuille ou non.

- Mais qu’attendons-nous en fait ? Demanda Icarion, de l’impatience dans sa voix. N’aviez-vous pas dit que le temps pressait ? Qu’il serrait peut-être trop tard ?

Séron arrêta son cheval, puis tendis l’oreille. Il scruta rapidement l’horizon.

- Nous attendons une amie. Tiens, la voilà qui arrive d’ailleurs.

Une jeune fille ravissante habillée de vert arriva alors sur un cheval à robe argentée.

« Bienvenue, Tamara » la salua Séron.

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Chapitre VIII[]

La neige tombait du ciel dans ce froid glacial, transportée au gré des caprices des bourrasques d’un vent fou. La visibilité était très réduite dans cette pauvre pleine frigorifiée, mais l’on pouvait tout de même apercevoir quelques arbres éclairés par la pâle lueur de la lune, qui perçait à travers les nuages. Sur le sol, le manteau blanc de l’hiver était devenu telle une couche de vase blanche et froide, embourbant les ceux qui avaient le malheur d’y circuler. Néanmoins, sur le surface de cette neige poudreuse se trouvaient des traces de pas, à peine marquées, comme si des créatures très légères venaient de passer par là. En fait, c’était deux pistes de traces de pas, côte-à-côte, qui s’enfonçaient dans la nuit. Au loin, deux renards à trois queues, « Fal’Sunë » comme les nommaient les elfes, avançaient péniblement dans la neige malgré leur légèreté presque similaire à celle d’une plume.

Tenant fermement la petite main de sa petite soeur Rosa, Rorim fixait l’horizon, le regard vide d’avoir trop pleuré, des coulées de larmes gelés sur son visage. Il avait froid, il avait mal aux jambes, au pieds, à la tête. Son estomac douloureux criait famine, mais il s’en moquait. Il voulait que sa soeur survive. Elle devait toujours passer avant lui. Cela faisait donc des jours et des jours qu’il ne mangeait presque rien ou même rien du tout, donnant tout ce qu’il trouvait à Rosa. Malheureusement, les quelques racines et insectes qu’il trouvait par-ci par-là n’étaient pas assez. Rosa en pleine poussée de croissance, donc elle était toujours affamée.

Perdu dans le blizzard, le jeune renard continuait pourtant de marcher maladroitement sans même savoir où aller. Or, Rorim ne sentit plus d’un coup la prise de sa petite soeur. Celle-ci avait lâché sa main. Paniqué, il se retourna brusquement, et la vit effondrée dans la neige froide. Elle n’avait même plus la force de pleurer.

- J’ai faim Rim…

Rorim se sentait mal. Il culpabilisait, car il pensait que tout ce qui arrivait était de sa faute. Prenant Rosa dans ses bras, il la serra contre son coeur.

- Je sais Rosa, je sais, dit-il doucement. Si tu savais, moi aussi j’ai horriblement faim…

La petite renarde se blottit dans les bras de son frère et pleura sans bruit, laissant couler les dernières larmes qui lui restait.

- Quand oncle Rowen reviendra t-il ? demanda t-elle, les yeux remplit soudainement d’une lueur d’espoir.

Leur oncle était celui qui avait prit soin d’eux suite à la disparition subite de leur père et à la mort de leur mère, morte en accouchant de Rosa. Ils avaient réussit ensemble à se recréer un semblant de bonheur, mais maintenant, il n’existait plus. En effet, quelques semaines auparavant, Rowen partit chercher à manger, mais ne revint jamais. Rorim et Rosa l’attendirent pendant longtemps, mais Rorim s’était rendu à l’évidence qu’il avait sans aucun doute trouvé la mort. Mais ne voulant pas que sa petite soeur vive avec la possible mort de leur oncle sur la conscience pendant toute sa vie, surtout qu’elle avait déjà dû faire face à la mort de sa mère, il lui cacha la vérité. En effet, Rorim lui dit simplement que Rowen devait avoir trouvé d’énormes quantités de nourriture, et que cela prenait du temps à transporter, et Rosa, dans l’innocence de l’enfance, le crût.

- Je l’ignore, lâcha Rorim d’une voix faible.

Néanmoins, une respiration régulière lui répondit. Sa petite soeur s’était endormie dans ses bras malgré le sifflement du vent. Trouvant un creux dans la neige tout près d’un arbre, ce qui créait un certain abris, Rorim y coucha Rosa, et décida d’aller chercher à manger. S’éloignant, il essaya de creuser autour de la base d’arbustes et d’arbres dont il savait que les racines étaient comestibles, mais la glace le frigorifiait, et il se coupa sur morceau semblable à une lame affûtée.

« Mince ! » Se dit-il en portant sa main à sa bouche pour tenter d’arrêter le flot de sang chaud.

Pourtant, Rorim récolta quelque racines, puis continua son chemin. Malheureusement, le blizzard était de plus en plus opaque, et il ne voyait plus rien malgré son excellente vision. Continuant d’avancer en se protégeant le visage avec ses mains, le jeune renard à trois queues ne vit pas qu’il arrivait sur le bord d’une petite falaise. Devant se trouvait d’ailleurs un arbre mort et glacé aux racines prédominantes. Ce qui devait arriver arriva, et Rorim se prit le pied dans une racine. Trébuchant, il s’écroula au contrebas de la petite falaise. Le choc lui fit perdre connaissance.

De la musique envoûtante se faisait entendre. De la chaleur agréable le touchait. Ouvrant doucement les yeux, il réalisa surprit que sa mère le serrait contre elle.

- Mère ? Bredouilla Rorim.

- C’est bien moi, mon chère fils, dit-elle d’une voix pleine de tendresse.

Le jeune renard ne savait pas comment réagir. Prenant une grande respiration, il arriva néanmoins a murmurer quelque chose d’assez audible.

- Am… amenez-moi avec vous… J’en ai assez de souffrir…

La renarde regarda son fils d’un regard remplit de compassion et de tendresse. D’une voix mélodieuse, elle entonna la berceuse qu’elle lui chantait lorsqu’il n’était encore qu’un bébé, une vieille berceuse des renards à trois queues en ralien.

Vedes’sy, vador romënn
Vador radorim, falyr, pr’osem
Vador ni alowen rojem
Vedes’sy, daënn mi naror

Inia dy firoë, res’ar
Iwen doro’nar mi verem
Im troë ya dal pia
Idor sordem vae

Im amoë mi sy
Vedes nawen
Vador rodarim, falyr pr’osem
Vedes’sy, daënn mi naror

Ce chant peut d’ailleurs se traduire par ce qui suit :

Dors, enfant, rêve tranquillement
Rêve doucement, ta mère veille
Rêve des souvenirs d’antan
Dors, écoute mon conseil

Dans la nuit, n’oublie pas
Que jusqu’à mon trépas
Je serai là pour toi
Sans demander pourquoi

Je t’aime mon enfant
Dors maintenant
Rêve doucement, ta mère veille
Dors, écoute mon conseil

Rorim s’abandonna dans les bras de sa mère. Comme elle lui manquait ! Pourquoi était-elle morte si tôt ? Pourquoi n’avait-il pas pu vivre heureux avec elle et Rosa ? Or, sa mère reprit.

« Tu es un grand frère remplit de bonté, Rorim. Tu fais toujours passer ta petite soeur avant toi, peut importe les circonstances. Mais cela doit continuer. En effet, c’est elle qui me rejoindra bientôt. Toi, tu as encore de grandes choses qui t’attendent. Le monde a besoin de toi, mon fils. Montre toi digne des tâches qui te seront confiées. »

Le jeune renard ne savait pas quoi répondre. Ainsi, sa petite soeur Rosa allait elle aussi lui être enlevée ? Elle aussi allait mourrir ? Non ! Il ne laisserait pas cela arriver ! Rosa vivrait ! Il avait besoin d’elle, elle avait besoin de lui.

Se réveillant en sursaut, Rorim réalisa qu’il était affalé dans la neige. D’ailleurs, celle-ci, qui continuait à tomber, l’avait recouverte. Malgré sa fourrure, le jeune renard avait froid, il était frigorifié. Se levant difficilement en poussant quelques gémissements, il eu soudain une pensée qui lui redonna une vigueur, mais plus une vigueur de désespoir. Rosa. Rorim ignorait combien de temps il était demeuré inconscient. Paniqué, il courut vers l’endroit où il avait laissé sa soeur. Elle était toujours là, le dos contre le tronc de l’arbre, les yeux fermés.

« Rosa, eh ! Rosa ! »

Rorim la prit dans ses bras, mais se rendit compte qu’elle était glacée. Paniqué, il la tâta, à la recherche d’un pouls. Il n’en trouva aucun. Rosa ne respirait plus.

« Non, non, non ! » Lâcha le renard.

Serrant le corps de sa petite soeur contre lui dans une tentative de la réchauffer, il dû se rendre à la douloureuse évidence : Elle était morte. Anéantit plus que jamais, son frère s’écroula dans la neige en hurlant à s’en briser la voix.

« Pourquoi ?! Pourquoi ?! Pourquoi ceux que j’aime me sont tous enlevés ? J’en… j’en ai assez ! C’est… c’est pas juste… »

La tête dans ses mains, il se mit à pleurer en vidant son corps de toutes les larmes qui lui restait. Pourquoi les dieux laissaient ces malheurs arriver ? Était-il maudit ? Le malheur était-il devenu son meilleur ami ? Se relevant, il serra le corps inerte de Rosa contre son coeur.

« Pardonne moi, Rosa. Pardonne moi. C’est ma faute ! Je n’aurais pas dû te laisser seule… »

Rorim se mit alors à bercer Rosa. De sa voix pleine de sanglot, il chantonnait du mieux qu’il le pouvait la berceuse que lui chantait leur mère. Lorsqu’il eu terminé, il regarda le visage gelé de sa petite soeur.

« Oh pardonne moi… je regrette tellement… »

Après avoir dû se résoudre à dire adieu à sa soeur, Rorim erra seul pendant plusieurs jour, le regard vide, le coeur blessé. Un jour, n’en pouvant plus, il s’agenouilla près d’un arbre et saisit une dague que lui avait laissé son oncle. La tenant fermement, il se préparait à transpercer son propre coeur, à se donner la mort. Levant les yeux au ciel, il implora.

« Pardonnez moi, Unianir. Mais j’en ai plus qu’assez de souffrir… »

À nouveau, des larmes coulèrent de ses yeux. Était-il sûr de lui ? Nerveux, la dague tremblait dans ses mains. Non. Il n’en était pas capable. Laissant tomber l’arme dans la neige, il pleura silencieusement.

« Tu as fais le bon choix, Rorim » laissa une voix pleine de tendresse derrière lui.

Se retournant, il vit un homme aux cheveux et la barbe noirs, habillé d’un manteau bleu nuit et qui s’appuyait sur un bâton d’or. Étrangement, le renard ne ressenti aucune surprise, ni aucune peur, comme s’il ressentait du calme et de la tranquillité en vue de cet homme. Regardant Rorim avec un regard plein de compassion l’inconnu il ouvrit les bras, mais instinctivement, le renard s’y précipita et s’y blottit. Les jours suivants, il apprit que l’homme, qui l’avait prit sous son aile, était en fait un mage nommé Séron. Rorim avait pour lui une grande reconnaissance. Il l’avait empêché de sombrer dans le néant. Qui plus est, il prit soin de lui, comme un père l’aurait fait. Suite au drames qu’il avait vécu, Rorim retrouvait enfin une famille.

Ouvrant les yeux, le renard se gratta la tête. Décidément, quel rêve ! Il venait de revivre entièrement les événements qui menèrent à sa rencontre avec Séron. Néanmoins, il se demandait bien où il se trouvait. Jetant un coup d’oeil, il comprit qu’il était couché dans un lit propre et confortable. Le reste du mobilier, plutôt rustique, était constitué d’une armoire dans le coin droit et une table de nuit à gauche du lit. Au plafond, un luminaire devait illuminer la pièce durant la nuit, mais en ce moment, le soleil brillait par la fenêtre. Se redressant sur son séant, Rorim réalisa que ses blessures avaient été pansées et qu’il avait même une attelle à la jambe droite. Était-elle brisée ? Il n’en avait pas le souvenir. La dernière chose dont il se rappelait, c’était sa fuite à cheval après avoir réussit à fausser compagnie à ses étranges agresseurs. Essayant de sortir du lit, il fit cependant une grimace. Effectivement, sa jambe droite était bel et bien brisée. Ce fut à ce moment qu’il se rappela qu’il avait sombré dans un profond sommeil durant sa chevauchée. Sans aucun doute, il avait dû chuté. Mais où était-il à présent ? Des bruits et une chanson provenant de ce qui devait être la cuisine, il sortit de la chambre et s’y dirigea. Devant le poêle à charbon se trouvait ce qui avait l’air d’un homme, mais beaucoup plus petit. Rorim compris : c’était un halfelin, aussi appelés demi-hommes. Créatures semblables aux hommes dans leur apparence, ils étaient pourtant de la taille des nains. Aussi, ils aimaient la nature, le confort, la nourriture et leur famille plus que tout. C’étaient des gens simples. Un rien faisait leur bonheur. Malheureusement, ils étaient maintenant très rares sur Eranne. Certains pensaient même qu’ils étaient éteints. Or, celui qui était devant le renard était vêtu d’une chemise couleur sable, d’une veste verte foncée et d’un pantalon noir, et il avait une chevelure rousse ébouriffée et de grands yeux verts. Manipulant des ustensiles et des plats chauds, il était vraisemblablement en train de préparer le repas

« Tiens, tu t’es réveillé ! » Déclara t-il en souriant en apercevant Rorim. « Prends place, c’est prêt ! On va pouvoir passer à table ! »

Sans dire un mot, le renard s’assit à la petite table. Il n’avait même pas remarqué que sa chemise et son pantalon étaient propres. Quoi demander de mieux avec un peuple férus de ménage et de propreté ?

L’halfelin arriva avec un plat chaud et déposa deux saucisses fumantes dans l'assiette à Rorim. À renifler l’odeur, celui-ci comprit qu’elle étaient faites avec de la viande de canard, viande dont il raffolait. Le jeune renard salivait abondamment. Il ne se rappelait plus de tout à quand remontait la fois où il avait mangé un plat si appétissant. Peut-être jamais tout compte fait. Son hôte repassa avec un autre plat et déposa un oeuf grillé dans son assiette, près des saucisses.

« Au fait, je m’appelle Cade Grandpré » lui dit son hôte en s'assoyant à son tour. « D’ailleurs, tu dois sûrement te demander ce que tu fais ici, n’ai-je pas raison ? »

Rorim ouvrit la bouche et se décida enfin à parler.

« À dire vrai, oui, j’ai eu un choc lorsque je me suis réveillé. Et au passage, vous pouvez m’appeler Rorim. »

- Et bien, je vais te révéler une chose Rorim : tu es resté inconscient pendant toute une semaine. Au moins, cela m’a laissé le temps nécessaire pour bien nettoyer tes plaies, les panser et laver tes vêtements.

- Qu… quoi ? Une semaine ?

- Et oui, mon pauvre ami. Je t’ai trouvé inconscient dans la forêt, donc j’ai décidé de te ramener chez moi, car je voyais bien que tu n’étais pas mort.

- Connaissez-vous Séron ? risqua le renard.

- Séron l’artificier ? Bien sûr ! Il vient toujours faire des spectacles de feu d’artifices lors de nos fêtes. Pourquoi cette question ?

Séron, un artificer ? Rorim avait de la difficulté à le croire.

- C’est mon mentor. Pour tout dire, je fuyais la ville de Forge où je l’attendais, car des hommes étranges habillés de rouge ont tenté de me tuer.

Cade écarquilla ses grands yeux verts. Apparemment surprit, il ne lâcha pas pour autant son sourire accueillant.

- Quelle histoire mon ami ! Tu es un grand aventurier à ce que je vois. Mais je dois t’avouer qu’ici, nous ne voyageons pas beaucoup. Je crois même que jamais serait le mot approprié. D’ailleurs, c’est la première fois que je vois quelqu’un de ta race.

Ne trouvant rien à répondre, Rorim mangea goulument se qu’il y avait dans son assiette, puis remercia Cade et retourna à sa chambre. C’est alors qu’un morceau de tissu rouge sur la table de nuit attira son attention. Questionnant Cade, ce dernier lui dit que lorsqu’il l’avait nettoyé, il avait trouvé cette pièce d’étoffe étrange coincée dans la fourrure de sa jambe. Le renard en était sûr c’était un morceau du manteau d’un de ses agresseurs. L’étudiant avec attention, intrigué, il vit des lettres qui commençaient à s’effacer. Un message avait-il déteint sur le bout de tissu ? C’était une possibilité. Au bout d’une demi-heure de travail acharné, Rorim réussit à former un semblant de message avec les traces d’encre qu’il trouvait.

Héritier à Forge … Tuez …

Rorim réfléchit, mais cela ne lui prit pas beaucoup de temps pour comprendre que Franir et son nouveau protégé étaient en danger. Il se devait de l’avertir. Mais une nouvelle pensée fit surface dans sa tête : Une semaine s’était écoulée. Était-il trop tard ?

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Chapitre IX[]

Le palais en pierre construit sur la montagne d'Eonar, le plus haut sommet de la chaîne des montagnes de poussière, donnait l'impression de tenir précairement sur des rochers qui pouvaient être déplacés à tout moment par des éboulements. Ceux-ci étaient d'ailleurs très fréquents sur cette crête, mais l'architecte qui avait dirigé le chantier jadis n'y avait apparemment pas prêté attention. L'endroit tombait en ruine et donnait un sentiment de nostalgie sous la lumière des premiers rayons du soleil en cette aube plutôt fraîche. Or, ce palais, qui avait aussi servi de forteresse, était utilisé comme place forte durant la guerre contre Témnor, le dieu déchu, la fameuse grande guerre des temps anciens. La montagne d'Eonar était pourtant considérée encore aujourd'hui comme un lieu stratégique. Et pour cause, par la crête où était situé le palais, l'on pouvait facilement dominer le royaume d'Yria, comme les Terres Stériles.

Le palais, nommé Iriador, semblait désert en ce moment, mais si on regardait avec plus d'attention, l'on pouvait voir des gardes vêtus de la même couleurs que les rochers postés aux alentours, comme si ils protégeaient quelque chose. Rien ne pouvait les déconcentrer de leur travail, même pas les éclats de voix très puissants qui se faisait entendre de l'intérieur du vieux bâtiment.

Dans une salle de taille moyenne se trouvait une table couverte de parchemins en tout genres, comme des cartes, des plans stratégiques, etc. Il y avait même des grimoires et autres traités de magie, mais tous avait pour sujet la psychomancie, la mystérieuse magie de l'esprit.

Près de la table se tenaient deux personnes qui semblaient s'affronter, l'une en face de l'autre. Vilox, habillé d'une chemise noire et d'un manteau bleu-gris, était en pleine discussion avec une jeune femme qui possédait étrangement une très longue chevelure bleue-turquoise dont les pointes flottaient en l'air, démontrant qu'elle les contrôlait avec son esprit. Elle avait aussi le teint très pâle, et bizarrement, ses yeux en amande étaient entièrement bleus, sans aucune paupière. Elle parlait d'une voix forte et pénétrante, ni aiguë ni grave.

- Tu es toujours en train d'essayer d'empoisonner les autres avec tes mensonges, à ce que je vois, cher Vilox, dit-elle.

Vilox sourit, ne se laissant nullement impressionner.

- Et bien Sareena, il faut croire que les mensonges payent bien, dit-il. Grâce à eux, j'ai maintenant deux nouvelles armées à ma disposition.

- Pour profiter de ces temps de crise et remplir tes ambitions personnelles, c'est bien ça ? Tu es tombé bien bas, Vilox Nadaënia. Tu vaux bien mieux que ça. Pourquoi abandonner l'honneur de ton héritage elfique ? Tu es un demi-elfe après tout.

Vilox fut surpris par ses paroles, mais il n'en montra rien. Oui, il était bien un demi-elfe, mais lui essayait de cacher son héritage en entretenant une barbe à la mode des nains. Regardant son interlocutrice dans les yeux, il répondit.

- Quel honneur y a t'il d'être un demi-elfe ? Je vais te le dire : Aucun ! Nous sommes rejetés par les deux sociétés durant toutes notre vie ; par les elfes car nous sommes trop humain et par les humains car nous sommes trop elfe. Nous sommes condamnés à rester solitaire, vagabond, sauf si nous abandonnons nous-mêmes qui nous sommes. En effet, la vie m'a enfin sourit et j'ai eu ce poste parmi les Capes, mais j'ai dû dire adieu à mon côté elfique et devenir entièrement un homme. Maintenant que ce stupide cristallier est de retour, je perds à cause de cette crise qu'il a déclenché le peu que j'ai réussi à avoir. Tout le travail que j'ai accompli pour me hisser là où j'étais s'est brisé en morceaux comme un vase d'argile qui tombe sur le sol.

Sareena fixa Vilox pendant un bon moment sans bouger. Le silence s'installa, inconfortable et lourd. 

- Quel est ton but, Vilox ? Pourquoi séduire par tes belles paroles des peuples éprouvés afin qu'il te rejoignent ? Tu veux bien plus que conserver ta place. Ton esprit est plus facile à lire qu'un livre ouvert.

Voyant qu'il devait jouer de ruse avec une adversaire pareille, Vilox décida de passer à l'offensive.

- Sareena, je t'en conjure, rejoins moi avec tes télépathes bleus. Tu as tout ce qu'il faut, et ce qu'il me faut : Des briseurs, des contrôleurs, des changeurs, comme vous les appelez, Etavin le marionnettiste, Gull le dévoreur, Haïkou le brouilleur... En joignant nos forces, nous seront plus fort et nous vaincrons !

Sareena resta immobile un instant, à observer le paysage montagneux au dehors par la fenêtre. Elle soupira. Le Vilox qu'elle avait connue et aimée n'existait plus. Sa soif de pouvoir l'avait consumé.

- Que veux-tu vaincre ? Ce n'est pas ton supérieur qui est devenu fou et qui a perdu foi envers le retour de l'héritier du trône d'Yria : C'est toi.

Vilox la regarda, puis détacha son regard. Il observa à son tour le paysage à l'extérieur.

- Je l'avoue, Sareena. Pour moi, l'héritier est mort et personne ne délogera les orques du trône qui revient de droit aux hommes de l'est. C'est donc moi qui les jetterai hors d'Yria ! En effet, je suis sûr que cet Icarion, qui a été désigné par les Frères de la Justice comme le fils du roi Eron, n'est qu'un imposteur et rien d'autre. Il est maintenant sous la protection de Séron ? Qu'à cela ne tienne !

- Sais-tu que ce sont des esprits corrompus comme le tient dont Témnor et Aznaroth recherchent ? répliqua du tac-au-tac son interlocutrice.

- Témnor, Aznaroth... Le Seigneur des Douleurs est mort pour de bon, et Aznaroth, son général, n'est qu'une légende qu'on raconte au jeunes enfants pour leur faire peur !

La pauvre Sareena était de plus en plus dégoûtée par ce qu'elle entendait. Décidément, Vilox avait vraiment changé.

- Témnor est encore vivant, et son influence maléfique corrompt encore de nombreux êtres. Et comment peux-tu dire qu'Azaroth n'est qu'une légende ? Il rassemble ses armées en ce moment même dans les Terres Stériles, de l'autre côté des montagnes.

- Balivernes Shiva ! C'est comme l'héritier du trône d'Yria : Je suis sûr qu'il n'a jamais existé, que ce ne sont que des racontars du magicien Séron et de ses compagnons. Même, selon moi, Séron n'est qu'un traître, qui a pactisé avec les Robert Gronk et qui a aidé à l'invasion d'Yria.

Sareen éclata d'un rire sonore.

- Séron, un traître ? Laisse-moi rire ! Qui plus est, l'héritier est bien vivant. Soundar, Seigneur d'Ombrefeuille, était son tuteur. Cet Icarion, comme tu dis si bien, est pourtant l'héritier légitime et non un imposteur. D'ailleurs, tu aides les gobelins des sables, mais les mercenaires d'Œil de Lynx leur marche sur les pieds. Ils ne tiendront pas. Donc dis-moi, quel sera le prochain peuple que tu attaquera sournoisement avec ta langue de vipère pour les remplacer ? Les nains, les gnomes, ou soyons plus imaginatif : les orques eux-mêmes ?

Vilox, qui n'était pas dupe, remarqua le subtile ton de moquerie dans la voix de son ancienne compagne.

- Ma langue n'est pas si mauvaise. Elle ne dit que la vérité, et rien que la vérité.

- Ah oui ? Tu as pourtant dis plus tôt que le mensonge payait bien !

L'homme se mordit la langue. Elle venait de marquer un point, il s'était mêlé dans ses mots, il n'avait pas réfléchi à ce qu'il disait. Il se devait de riposter rapidement pour ne pas perdre la face.

- J'ai pourtant raison, car vois-tu, j'ai redonné espoir à des peuples menacés, comme ces pauvres gobelins du désert du Zorastre.

Sareena soupira.

- Tu leur as redonné espoir pour mieux les plonger dans le désespoir en suite, dit-elle.

- Ne dis pas de bêtise, voyons, répondit Vilox, faussement indigné.

- Je suis sûre que jamais tu n'aidera ces pauvres gobelins comme tu dis, répliqua Sareena.

- Ah oui ?

- Et tu dois sûrement ignorer que de puissants guerriers se cachent au sein des mercenaires d'Œil de Lynx.

Vilox réfléchit. Non, il le savait pourtant bien, pour avoir fait partie lui-même du groupe. Celui-ci avait d'ailleurs été fondé par Farrah Whitewrath, jeune guerrière expérimentée qui avait pourtant un poste privilégié au sein des Capes, cette faction spécialisée dans le camouflage, les attaques furtives et l'assassinat. Néanmoins, Farrah quitta son poste lorsque le chef des Capes, Barston Fink, mourut empoisonné. Vilox se disputa alors la direction de la faction avec Jerik San, qu'il appelait d'ailleurs pour une raison inconnue son « supérieur ». Farrah avait pressenti l'arrivée de ces conflits internes pour le pouvoir, raison de son départ. Par contre, elle ne quitta pas le monde des armes et du combat pour autant, et fonda un groupe de mercenaires accueillant et regroupant de nombreux guerriers vagabonds ou encore renégats. Vilox, qui avait dû fuir devant Jerik, en fit partie pendant un temps, mais quitta par la suite pour former ses propres Capes.

La dernière fois que Vilox avait entendu parler d'Œil de Lynx, le groupe armé comptait une vingtaine de membres à son actif, mais ce nombre c'était sans doute agrandit. Cependant, Vilox se rappelait de Elianna, jeune elfe qui avait fuit les Cheminées Cendrées, terres volcaniques des elfes de cendre situées entre le Brysan Hem et le pays de Lissendel. En effet, elle craignait une guerre de succession entre les deux princes, Trador et Trifen, et craignait encore plus que cette guerre éventuelle ne dégénère en guerre civile. Vilox se rappelait aussi de Maceliance, une jeune sorcière d'Ajarin qui était recherchée dans ce royaume ainsi qu'à Yria pour pratique illégale de la sorcellerie du sang, puissante magie interdite. Il y avait aussi Nagash, jeune homme qui avait marqué l'esprit de Vilox par sa maîtrise des déguisement. Lorsqu'il se déguisait, peu nombreux - pour ne pas dire inexistants - étaient ceux qui étaient capable de le démasquer. D'ailleurs, d'étranges histoires circulaient à son sujet, par exemple qu'il serait le demi-frère des princes des Cheminées Cendrées. Néanmoins, ce n'était que des rumeurs.

- Aussi forts que soient les guerriers d'Œil de Lynx, rien ne peut résister au pouvoir des Phospharins.

Sareena fut sous le choc.

- Un Phospharin ? Tu as donné un Phospharin aux gobelins des sables ?

Vilox regarda son interlocutrice, fier de son coup.

- Exactement. Rien ne leur résistera désormais.

- Mais tu est fou Vilox ! Les Phospharins ne doivent surtout pas servir à la guerre !

- Pourquoi ? Répliqua Vilox. J'en ai trouvé un qui attendais là, sur une pierre, que quelqu'un le prenne et s'en serve !

- C'est en plein ce que Témnor veut. Il ressent l'utilisation de ces pierres divines, et attends patiemment de savoir où elles sont toutes pour envoyer Aznaroth et son armée les retrouver. D'ailleurs... Où as-tu trouvé cette pierre ? Seul les cristalliers sont supposés savoir où elles se trouvent...

- Je ne peux te le dire, Sareena, l'interrompit Vilox.

Tout à coup, une jeune fille entra dans la pièce, coupant cours à leur conversation. Ayant autour de quinze ans, elle était habillée d'étoffes, avait de magnifiques cheveux châtains et un teint bronzé. Une bande de tissu turquoise semblait lui cacher les yeux, mais bizarrement, elle n'en avait pas En effet, lorsqu'elle était plus jeune, ceux qui l'avaient à leur charge lui firent ôter ses yeux, disant que ceux-ci ne sont des menteurs, qu'ils mentent à notre vision des choses. Toujours selon eux, seul l'esprit permettait de bien voir et comprendre le monde qui nous entoure. Suite à bien traitements inhumains que la pauvre fille dû subir, elle devint l'une des voyantes les plus puissantes de tout Eranne, prédisant toujours ce qui se passerait dans l'avenir d'une personne sans jamais se tromper. Malheureusement, bien des gens voulaient utiliser son don pour gagner des richesses, donc elle fugua. Sareena la prit sous son aile et depuis le jour de leur rencontre, en prenait soin comme sa propre fille.

- Dame, le lieur Edrich vous demande, annonça t-elle.

- Très bien, ma Kalany, dites lui que j'arrive, répondit Sareena.

Touchant Vilox par inadvertance, la jeune fille se figea sur place, comme frappée par la foudre. Tout à coup, elle se mit à pousser de petits cris aigus, chose qu'elle avait développée pour démontrer sa tristesse, puisque l'absence d'yeux l'empêchait bien sûr de pleurer. Voyant sa détresse soudaine, Sareena la serra contre elle.

- Qui a t-il, ma Kalany ? demanda t-elle, inquiète.

- J'ai vu son avenir, dit Kalany en pointant Vilox du doigt, j'ai vu malgré moi l'avenir de cet homme ! Ce n'est que la mort, toujours la mort que j'ai vu ! Beaucoup trop de gens innocents mourront par sa faute !

Vilox se mit à trembler. Non, ça ne pouvait pas être vrai ! Il n'était pas très fier de certains actes qu'il a posé au cours de sa vie, mais il n'était pas un tueur sadique et sans pitié !

Mais une force étrange prit possession de son bras et le poussa à saisir l'un de ses poignards. Que ce passait-il ?

« Sareena, attention ! » cria t-il, lorsqu'il remarqua qu'il la menaçait malgré lui.

Vilox ferma les yeux et serra les dents. Jamais il n'avait voulu faire de mal à Sareena. Il avait aimé cette femme, il l'aimait toujours. Mais son bras lança le poignard. Se concentrant, Sareena ferma à son tour les yeux et l'arrêta dans sa course par la force de sa pensée. Vilox, lui, tomba sur le sol, plus paniqué que jamais : une étrange fumée noire qui venait d'apparaître avait l'air de le dévorer. Qu'est-ce que c'était que ça ?

« À l'aide ! À l'aide ! » cria t-il de plus belle en se débattant. Sareena tenta de l'aider du mieux qu'elle le pouvait mais son regard se remplit d'effroi lorsqu'elle se rendit compte que Vilox n'était plus là. Il avait disparu...

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Chapitre X[]

« Nous arriverons à Forge demain matin. » déclara Séron. « D’ici là, il faut veiller à demeurer le plus silencieux possible. Plus nous nous approcherons de la ville, et plus le danger sera présent autour de nous. »

Icarion et Tamara se regardèrent. Cela ne faisait à peine quelques jours qu’ils se connaissaient, mais un lien de confiance commençait déjà à se tisser entre les deux jeunes gens. Pour tout dire, la jeune fille fut étonnée lorsqu’elle vit Icarion. Sachant qu’il était l’héritier du roi Eron, elle s’attendait à un être emplit de magnificence, voir d’arrogance, mais elle se rendit vite compte que le jeune prince était tout autre. Un jeune homme charmant, serte, mais qui, surtout, était comme elle. En effet, être bien simple, Icarion aspirait à une vie ordinaire. Il ne voulait rien savoir du luxe du palais de son père, ni du pouvoir que lui conférerait sa position. Il voulait vivre sa vie, être libre, galoper dans les vallées jusqu’au couchant. Ses nouvelles responsabilités, qui lui pesaient atrocement sur les épaules, il aurait voulu pouvoir s’en débarrasser. Mais en même temps, une partie de lui-même culpabilisait de penser ainsi. Nombreux étaient ceux qui comptaient sur lui, qui avaient foi en son retour.

Depuis qu’il avait rencontré Tamara, Icarion se sentait bizarre. La jeune fille était le tout premier être de sa propre race qu’il voyait depuis longtemps. D’ailleurs, il pensait au début que ce n’était tout simplement que de la nervosité, mais il comprit vite que c’était autre chose. Cependant, il tenta, assez maladroitement, de s’approcher de Tamara. Il faut croire que cela fonctionnait malgré tout, car les deux jeunes gens s'entendaient très bien. Lorsqu’ils en avaient l’occasion, ils se confiaient leurs joies, leurs angoisses, leurs malheurs, leurs peines. Icarion raconta des bribes de son passé chez les elfes de lune, Tamara, elle, raconta ses aventures à travers la lande d’Yria. À l’entendre décrire les collines, les vallées, les forêts et les villages du royaume, le jeune prince se prit à rêver du royaume des hommes de l’est, son royaume. Néanmoins, un jour, Tamara avoua à Icarion qu’elle éprouvait de la difficulté à agir normalement en sa présence, qu'elle se sentait gênée, car il était le prince, l’héritier d’Yria. D’ailleurs, il serait amené à devenir son roi… son roi qui plus est. Icarion lui avait sourit, puis avait répondu que pour l’instant, il était son égal. Il espérait la rassurer...

Autour d’eux, les oiseaux chantaient une douce symphonie, et la rosée du matin commençait à peine à s’évaporer. Le soleil brillait dans le ciel, caché de temps en temps par des nuages. Les trois compagnons profitaient du couvert des arbres touffus pour passer inaperçu. Néanmoins, Séron savait que trop bien que ces abris de fortune ne servait pas à grand chose contre les sentinelles orques qui rôdaient autour de Forge. Tout en restant prudent et silencieux, ils se devaient d’atteindre la ville le plus rapidement possible. D’ailleurs, la protection des deux jeunes gens, surtout du jeune prince, était sa priorité, car il savait que Robert Gronk ne voulait qu’une chose, c’était de le voir mort. Toutefois, ils devaient atteindre Forge le plus rapidement possible, car Rorim était en danger, il avait besoin de leur aide.

Chapitre incomplet

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