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Cette histoire a été écrite par Lyra Bleue


Chapitre I : Une rentrée étrange[]

La voiture s’engagea dans une grande allée de graviers blancs bordée de cerisiers aux couleurs automnales. Elle passa par un grand portail de métal blanc finement décoré et s’arrêta dans une cour de terre et de graviers qui avait la forme d’un carré, délimitée par des murs de pierre assez bas. De chaque côté, des bosquets d’arbres séparaient des bancs de bois peints en blanc. En face de l’allée, de l’autre côté de la cour, un grand bâtiment de pierres blanches se dressait. De grandes fenêtres laissaient deviner les trois étages qui se superposaient au-dessus du rez-de-chaussée. Au centre, une porte en chêne à deux battants permettait d’entrer. A droite de ce bâtiment, un petit chemin de terre menait à une forêt qui constituait à elle seule le paysage de fond. Devant cette forêt, une marre accueillait les canards qui souhaitaient y nager. Dans la cour, des enfants jouaient à la corde à sauter aux billes, discutaient sur les bancs ou adossés aux arbres ou au mur. Les portes de la voiture s’ouvrirent pour laisser place à un trio composé de deux jeunes filles d’environ onze ans et d’une femme qui semblait être la maman de l’une d’elles.

Forêt Annecy sur le plateau des Glières

En ce petit matin de septembre, au collège Ogawa, c’était la grande rentrée des sixièmes. Après quelques embrassades, la jeune femme s’adressa aux deux enfants :

-Svaï, Lyra, surtout je veux que vous passiez une superbe journée! Ce soir, après les cours, je viendrai vous chercher et vous pourrez tout me raconter.

Celle qui lui ressemblait le plus répondit :

-Oui Maman!

Tandis que l’autre :

-Bien sûr Kimi!

Et toutes deux :

-A ce soir!

Pendant que les filles se rendaient sur un banc pour discuter, la prénommée Kimi rentra dans sa voiture, démarra, et repartit en direction de la route.

Lyra, cheveux blonds et ondulés, peau claire et joues roses, du haut de ses dix ans, se surprenait à contempler ce qui l’entourait : elle avait l’impression d’être revenue au temps de ses grands-parents, bien qu’elle ne les eût pas connus, dans cet univers si pittoresque. A côté d’elle, Svaï n’arrivait pas à lire tant la beauté de ce qui l’entourait l’émerveillait. Elle était brune et avait les cheveux lisses et la peau mate. Soudain, deux jeunes filles, d’à peu près le même âge qu’elles, arrivèrent et les firent sursauter. Elles se regardèrent et l’une des deux, blonde avec des cheveux lisses, une peau claire, et des yeux étrangement turquoise, prit la parole :

-Bonjour ! Vous ne connaissez personne vous aussi?

Puis, sans leur laisser le temps de répondre :

-En tout cas, nous, oui! A part, bien sûr, deux trois personnes qui viennent de la même école que nous. Moi, je m’appelle Cristalline, et elle, en désignant sa voisine, c’est Stella! Nous sommes cousines.

Elle s’arrêta net : devant elles, les trois filles pouffaient rire en silence, puis éclatèrent :

-Ne vous inquiétez pas, s’exclama Stella, elle est comme ça tout le temps!

-Quelle pipelette! reprit Lyra.

-Pour sûr! termina Svaï.

Stella était brune, elle avait les cheveux bouclés, la peau claire, mais les joues roses et les yeux rieurs. Elle alla prendre dans ses bras Cristalline qui était au bord des larmes :

-Allons, ne t’inquiète pas, c’était pour rire! Et puis, ce que tu as dit n’a rien de faux!

Puis, après un bisou sur la joue de sa cousine, elle la lâcha et s’assis sur le banc en compagnie de Svaï et de Lyra. Cristalline les rejoignit. Ainsi commença une longue et belle amitié. Elles décidèrent de se présenter chacune leur tour et Lyra débuta :

-Je m’appelle Lyra Michÿa, j’ai dix ans, et je vis avec Svaï. Mes parents s’appellent Victor et Daïna. D’après la maman de Svaï, Kimi, ils sont morts dans un accident d’avion alors qu’ils étaient en voyage en Italie. Ils ont peut-être disparu ou je ne sais quoi, mais Kimi ne veut jamais m’en parler, même pas me les décrire! Enfin...

Après un moment de silence, Svaï continua :

-Ouai...pas cool maman! Bon, moi, je m’appelle Svaï Sue et j’ai onze ans. Ma maman c’est donc Kimi, et je n’ai jamais connu mon papa qui, je le sais, s’appelle Naslan. Ah! Aussi, pour le fun, je mesure un mètre cinquante et j’ai les yeux turquoise, comme Lyra...et comme vous pour les yeux! C’est vraiment bizarre...

L’enchaînement se fit avec Cristalline :

-Oui, c’est bizarre...mais c’est un heureux hasard! Donc, moi, Cristaline Akillé, je suis, comme je vous l’ai déjà dit, la cousine de Stella. J’ai onze ans, je connais ma maman, Gia, mais pas mon papa. Maman ne veut jamais m’en parler mais en fouillant dans ses papiers, j’ai découvert une photo de lui sur la couverture d’un journal intime. Il était en costard cravate et il s’appelle Isdan. Enfin, pour faire plaisir à Svaï, je mesure un mètre cinquante, comme vous!

Un ange passa, suivi d’un murmure :

-De plus en plus étrange...

Puis, d’un air théâtral, Stella poursuivit :

-Mon prénom a déjà été dit par la pipelette, mais mon nom est Artois. J’ai onze ans et je vis avec Cristalline. Je ne connais pas mes parents et la mère de Cristalline ne veut même pas me dire comment ils s’appellent ni ce qui leur est arrivé. Voilà, c’est tout.

La cloche sonna au moment où Stella se tut. Dans un vacarme infernal, on vit tous les élèves se ranger en trois grandes lignes devant le bâtiment blanc. Pendant un temps, quelques murmures se faisaient entendre, puis tous se turent. Les grandes portes de chêne s’ouvrirent sur un homme imposant et d’un certain âge. Il avait un crâne presque dégarni, une tête ronde, et une fine barbe blanchie par-ci par-là. S’adressant à tous les élèves, il dit :

-Bonjour à tous et à toutes! Aujourd'hui, nous accueillons les nouveaux sixièmes. Je compte sur vous pour les aider en cas de besoin. Je vais faire l’appel pour vous répartir dans vos classes. Dans la classe des sixièmes Saphir, j’appelle : Cristalline Akillé, Stella Artois, Louis Châteauroux, Margaux Delangre, Thibault Gérard, Faustine Leclerc, Lyra Michÿa, Carla Mortpourgo, Maliena Nansa, Apes Nesquis, Laïce Oquares, Clarisse Richecourt, Pierre Rocheblanche, Paul Roched’Or, Juliette Safran, Plocèdre Soxebis, Svaï Sue, Usdentis Trulita, Severtis Tunèbe, Teveris Tunèbe.

Sa voix résonnait dans la campagne bretonne. Les élèves appelés se rangèrent devant leur professeur principal, une jeune femme assez grande, et ses cheveux bruns relevés en chignon s’accordaient parfaitement avec ses yeux noisette. Souriante, elle attendait. Pendant que le directeur continuait l’appel, le professeur de Français conduisit ses élèves en classe et, une fois installés, elle dit :

-Bonjour! Monsieur Yancy, le directeur, ma nommée cette année professeur principal de cette classe. Je serai aussi votre professeur de français.

Les deux heures qui les séparaient de la récréation passèrent rapidement. Quand la cloche sonna, les sixièmes se précipitèrent dehors pour être sûrs d’avoir un banc sur lequel s’asseoir. Lyra, Svaï, Cristalline et Stella en obtinrent un sans aucun problème au fond de la cour. Tandis qu’elles discutaient Carla, une fille de leur classe, s’approcha : elle avait la peau claire, les cheveux noirs et lisses, et un style gothique : un jean noir, des baskets noires, un tee-shirt noir, une veste en cuir noir, et des chaînes argentées en haut de son pantalon (seule note de couleur dans l’ensemble). Ses yeux, cruellement noirs, étaient traversés de quelques traits couleur sang. Elle s’adressa à Lyra et Svaï :

-Eh! les nouvelles! vous ne devriez pas traîner avec ces deux pestes. Elles sont insupportables et vous prennent pour des bouche-trous! Ce ne sont pas de vraies amies!

-C’est elle la peste, murmura Stella à l’oreille de Lyra. Depuis la maternelle elle nous déteste Cristalline et moi.

Alors la plus jeune répondit :

-Première chose, tous les sixièmes sont nouveaux. Ensuite, nous choisissons nous-même nos amies. Et enfin, si ce sont des pestes, pourquoi n’es-tu pas venue nous voir en première?

Carla s’empourpra, puis parti aussi vite qu’elle était venue et plus aucun problème ne se manifesta...durant cette journée.

Le soir, quand Kimi vint chercher Lyra et Svaï, elles ne firent pas allusion à la dispute, à l’étrange couleur de leurs yeux à elles quatre, à leur même taille, et même à Carla tout court. Mais, elles ne racontèrent que la découverte de deux nouvelles amies et de leurs professeurs.

La nuit, bien qu’à différents endroits dans Carnac, les quatre amies pensaient toutes à la même chose : pourquoi avaient-elles la même taille et les mêmes yeux turquoise? Pourquoi Carla était comme cela? Et bien d’autres questions encore. A ce moment-là, elles étaient loin d’imaginer qu’elles allaient découvrir des êtres magiques qui ne paraissaient jamais dans les livres, et dont aucune personne « normale » ne connaissait l’existence.

Un jour de septembre, madame Killa annonça :

-Aujourd’hui, nous allons établir un tableau des anniversaires selon la tradition du collège. Chaque fois qu’il y en aura un, je chargerai un groupe d’élèves de l’organiser.

A vue d’œil, Carla Mortpourgo se créait une bande inquiétante. Elle était partie avec Plocèdre et Severtis. Mais, tous trois furent rapidement rejoints par Apes, Laïce et Usdentis. Les élèves commencèrent à les surnommer la « Bande Noire ».

Le 16 octobre, l’arrivée de Lyra dans la classe marqua le début du chant que les élèves connaissaient sur le bout des doigts (comme vous chers lecteurs) :

-Joyeux anniversaire! Joyeux anniversaire!...

Quand le chant fut fini, le professeur principal prit la parole :

-Joyeux anniversaire Lyra! Aujourd'hui, tu as onze ans! Ce sont Carla, Usdentis, Severtis, Plocèdre et Laïce qui se sont gentiment proposés pour te préparer cette fête. Nous pouvons entamer le gâteau!

La surprise fut totale.

-Si Carla et toute sa clique se mettent en travers de notre chemin, ça va barder!

Elle rejoignit ses amies à leur table afin de discuter ce qu’elles venaient d’apprendre.

-Elles nous ont devancées, grommela Stella.

Elles ne purent en dire davantage car Severtis arriva avec un plateau sur lequel étaient posés cinq fondants au chocolat en forme de beignets. Chacune des filles en prit un, puis elles suivirent des yeux le garçon qui se dirigeait vers le fond de la classe, où se trouvait son frère, Teveris, plus jeune de quelques minutes, avec qui il se disputait sans arrêt. Celui-ci, méfiant, regardait le beignet que lui tendait son ennemi, puis les quatre filles qui le fixaient, en guettant sa réaction. La question était la même pour les six : va-t-il le prendre ou ne va-t-il pas le prendre? Il le prit. Severtis, débarrassé de son fardeau, trottina jusqu'à sa table où l’attendait son fondant. Les tables des autres membres de la Bande Noire étaient proches de la sienne. Ensemble, ils regardèrent leurs cinq camarades qui avaient pris un fondant sur le plateau qu’ils avaient nommé « farceur ». Après un coup d’œil furtif à la Bande, Teveris se leva et alla rejoindre les quatre filles qui le fixaient encore.

-Vous faites bien de vous méfier, dit-il sur un ton discret. Je connais bien mon frère. Mais si ce n’est pas le fondant, c’est la boisson. Vous feriez mieux de les donner.

Sur ce, il parti proposer le sien à Faustine, et Margaux, les inséparables gourmandes, qui les acceptèrent avec joie, mais lui trouvèrent un goût étrange. Alors, Cristalline se leva et fit de même. Puis les trois autres filles la suivirent. Les plus gourmands allèrent jusqu'à leur demander si elles en avaient encore, en précisant tout de même : avec un meilleur goût cette fois-ci. Elles leur promirent leurs boissons. Plocèdre, énervée, grinça :

-Je déteste ton frère, Severtis! Il a tout gâché!

Laïce, sur un ton calme et cruel les rassura :

-Patience. Il y a encore quatre autres anniversaires à fêter de la sorte : Teveris, Cristalline, Stella et Svaï. Et là, on trouvera autre chose. Préparez-vous à agir!

Désormais, seule la Bande Noire voulait que les vacances, qui commençaient le samedi suivant, s’écourte pour pouvoir mettre en œuvre leur mauvais coup. Ce soir-là, en sortant des cours, les autres sixièmes, passant devant la porte de leur classe, criaient à tue-tête :

-Plus que trois jours avant les vacances!

Quand les vacances arrivèrent, Svaï proposa qu’elles s’invitent entre elles, et toute acceptèrent, évidemment. Le premier samedi de la longue pause qui commençait, alors que Kimi n’était pas chez elle, le téléphone sonna du haut du rebord de la cheminée. Lyra décrocha :

-Bonjour ! s’exclama une voix douce et chantante au bout du fil.

Lyra eu à peine le temps de murmurer quelques salutations en retour, que la voix reprit :

-Tu dois être Lyra! Je suis la maman de Cristalline, Gia. Hier soir, les filles m’ont demandé si Svaï et toi pouviez venir passer une semaine à la maison. Ça vous tente? Bon, tu pourras me rappeler pour confirmer si vous venez ou si vous ne venez pas.

La jeune fille se permit rapidement de penser :

-Ça se voit que c’est la maman de Cristalline. Tout aussi bavarde qu’elle!

Puis, elle répondit :

-D'accord! Pas de problème!

Gia Raccrocha, et Lyra, bouche bée, rejoignit Svaï dans sa chambre pour tout lui raconter. Le soir-même, quand Kimi revint, Svaï lui sauta au coup.

-Oh! maman! Tu veux bien qu’on aille chez Cristalline et Stella? Elles nous ont invitées à venir pendant les vacances!

Après un moment de réflexion, elle répondit :

-C’est d’accord! Mais c’est vous qui organisez votre séjour. J’ai bien trop de choses à faire!

Sautant de joie, les deux amies s’empressèrent de confirmer l’invitation en prévenant Gia.

Route vue du passager arrière

Chapitre II : Delta et Mû[]

Les vacances arrivèrent rapidement et Kimi conduisit Svaï et Lyra chez leurs amies. Cristalline, Stella et Gia les attendaient déjà. Quand elles eurent goûté, la maman de Cristalline leur dit :

-Amusez-vous bien !

Ce à quoi Stella répondit :

-Bien sûr tante Gia ! Si tu veux bien, nous irons voir les chevaux tout à l'heure !

Une fois que son interlocutrice eut accepté, les quatre amies se dirigèrent vers la salle de jeux. Immédiatement Svaï s'exclama :

-Vous avez des chevaux !?

-Pas exactement, précisa Stella. Ce sont ceux du centre équestre. Mais on va les voir souvent : il est juste à côté.

Le lendemain matin, après avoir mangé un bon petit déjeuner, les filles partirent à pied en direction du centre équestre de Carnac.

Peinture tirée d'un livre de chasse

Entre deux prés, une petite allée permettait d'accéder aux bâtiments disposés en "U". Elles s'arrêtèrent devant le pré de gauche où galopait une jument baie et sa cavalière.

-Les filles !, s'exclama Lyra. Je crois avoir reconnu la cavalière !

Toutes l'interrogèrent du regard.

-C'est Carla !

Sa réponse tomba comme une bombe. Carla, s'agitant sur son cheval, n'avait pas l'air d'être atteinte par la violence de ses coups de cravache.

-Pauvre Mû! Elle se fait maltraiter par cette peste de Carla ! Les filles à tes côtés sont-elles aussi cruelles qu'elle ? Et toi ?

Sursautant, Lyra se retourna pour se retrouver face à un cheval qui la regardait depuis l'autre pré.

-Hé ! je t'ai parlé !, reprit le cheval.

Ouvrant grand ses yeux, elle bégaya :

-Heu... je...je...tu parles !? Et...et t'es qui d'abord ?!

Après un petit grommellement façon cheval, son interlocuteur lui répondit :

-Mon nom est Delta. Mais répond-moi : je t'ai posé une question!

Mais avant que Lyra ne réponde, Stella s'exclama :

-Eh ! Tu parles à un cheval! C'est quoi le délire !?

L'ignorant superbement, la blondinette fit un effort surhumain pour se remettre de son étonnement.

-Je m'appelle Lyra, et non, Stella, Svaï et Cristalline ne sont pas cruelles comme Carla !

Elle termina sa réplique avec un début d'emportement. Reculant à cause du ton employé par la jeune fille, Delta ne montra que peu sa stupeur.

-Ok, ça va.

Les trois autres filles, exclue de la conversation, s'étaient maintenant toutes retournées pour regarder leur amie parler à...un cheval ! Celui-ci recula d'une vingtaine de pas puis, revenant vers les quatre sixièmes, il accéléra sa vitesse pour sauter en beauté la barrière qui les séparait alors. Il s'arrêta devant Lyra en lui disant avec un clin d’œil :

-Monte sur "l'étalon qui parle" et allons calmer cette petite mijaurée !

Hésitante, elle décida finalement de lui faire confiance et grimpa sur son dos malgré les réplications de ses amies.

-Mais qu'est-ce qu'il te prend !?, hurla Svaï. Tu es folle! Si on nous voit, on va se faire enguirlander, je ne te raconte même pas !

Mais Carla frappait de plus en plus Mû, et Lyra s'impatientait :

-Ouvre la barrière, dit-elle. Je ne sais pas pourquoi exactement, mais il va falloir que j'obéisse à ce cheval si tu ne veux pas que Carla tue Mû.

-Mais qui est Mû !? Et puis, c'est ridicule : obéir à un cheval !

Mais pendant que Cristalline s'égosillait sur Lyra, Stella avait ouvert la barrière et, sans laisser le temps à sa cavalière de répondre, Delta s'élança au grand galop vers Mû et Carla. Celle-ci ne les aperçut même pas. Tandis que Stella, Svaï et Cristalline les rejoignaient en courant, Lyra hurla de tous ses poumons :

-TU N'AS PAS HONTE DE FAIRE MAL A CETTE JUMENT ?! QU'EST-CE QUI TE PASSE PAR LA TÊTE ?!

Se redressant, le tyran cria :

-Tais-toi ! Tu n'y connais rien! Mû n'en fait qu'à sa tête ! Elle est insupportable ! Elle se cabre sans arrêt !

-En même temps, si tu arrêtais de lui donner des coups de cravache, ça irait mieux je pense!

-Je te l'ai déjà dit : tu n'y connais rien ! Et puis, que fais-tu ici ?

Mais trop tard : Lyra était déséquilibrée et Carla était fière de sa réplique. En interrompant leur joute verbale, Svaï aida aussi sa cousine à se remettre de la victoire de leur ennemie.

-Et toi? que fais-tu ici seule? Nous ne serions pas entrées si tu ne t'attaquais pas ainsi à cette pauvre Mû!

Carla, la bouche ouverte, cherchait quoi répondre. Sa première adversaire avait repris contenance. Svaï! va chercher un adulte aux écuries ! Cristalline et Stella! aidez moi à attraper la "gothique" avant qu'elle ne s'acharne de nouveau sur sa jument !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Stella prit à deux mains les rênes de mû. Cristalline se mit d'un côté de la jument pour bloquer la main de Carla qui tenait la cravache, et sa jambe qui ne cessait de donner des coups de talon. Enfin, Lyra prit l'autre côté pour achever d'empêcher leur ennemie de faire des mouvements trop brusques et trop grands. Ce ne fut pas sans peine que les trois filles la maintinrent pendant dix bonnes minutes, le temps que Svaï revienne avec une jeune monitrice aux cheveux noirs et au visage rayonnant.

-Voici Claire, la présenta la brunette. Elle dirige le centre équestre avec son père.

-Bon, reprit la monitrice. Carla. C'est maintenant la dixième fois que tu montes Mû sans mon accord! CETTE JUMENT NE T’OBÉIRA PAS SI TU T'Y PRENDS DE CETTE MANIÈRE! TU ES TROP BRUSQUE AVEC ELLE ! Si tu veux qu'on réussisse à la dresser...ARRÊTE DE LA MONTER !

Carla n'était pas prête d'accepter un tel déshonneur. Elle la fixa de ses yeux noirs et rouges.

-Descend de ce cheval! Je ne le répèterai pas !

-Je ne peux pas : ces filles me gênent !

Alors, elles s'écartèrent avec prudence, mais Stella décida de ne pas bouger. Une fois que la jeune cavalière fut descendue, Claire les invita à boire un chocolat chaud dans la "salle du goûter du centre équestre". Elles ne se firent pas prier.

Chevaux dans la Manche

*

De l'autre côté, Severtis et Plocèdre, qui étaient venus accompagner Carla, avaient tout vu. Ils décidèrent de les suivre en silence.

*

En arrivant devant les écuries, un garçon d'environ onze ans, châtain, peau bronzée, courut vers Claire.

-Salut! Il y a un léger problème dans le box d'Omega! Elle se bat avec Alpha!

Sans attendre, la monitrice partit en courant vers le bâtiment de droite en criant :

-Teveris! Sert-leur un chocolat chaud! J'arrive!

Puis elle disparut. Rouge par l'effort, le garçon conduisit ses camarades de classe à l'intérieur et leur offrit la boisson tant attendue.

*

Severtis et Plocèdre regardaient avec envie par la fenêtre leur amie et leurs ennemis boire un bol de chocolat chaud. Le froid commençait à leur brûler le visage. Ils décidèrent de rentrer à l'intérieur.

*

-Severtis!? Je croyais que tu étais rentré à la maison!

-Eh non frérot! J'étais avec des gens qui ont une meilleure fréquentation que toi!

Tandis que Teveris commençait à bouillir intérieurement, Severtis, Plocèdre et Carla, ornèrent leurs visages d'un léger rictus de fierté. Alors que Svaï, Stella et Cristalline se rangeaient du côté de Teveris en ripostant et en l'aidant, Lyra se taisait et réfléchissait intensément aux évènements qui s'étaient déroulés déjà une demi-heure avant. C'était complètement fou! DISCUTER avec des chevaux! OBEIR à un cheval! Elle avait dû rêver! Elle porta une main tremblante à son front pour vérifier si elle n'avait de la fièvre, une bosse, ou n'importe quoi d'autre qui aurait pu expliquer ce qu'il c'était passé. Elle la laissa retomber sur ses genoux. Rien. Elle n'avait rien. Pourtant, elle eut soudain l'étrange sensation que le monde tournait autour d'elle. Elle se sentait étouffer, ses poumons la brûlaient, ses yeux se révulsaient. Le noir soudain. Plus rien. Elle sentit un instant qu'on la secouait, des cris lointains se firent entendre. Puis tous ses sens s'arrêtèrent de fonctionner. Seule la douleur la tiraillait. Il lui était impossible de réfléchir.

Chapitre III : Convalescente[]

Le réveil fut douloureux et long. Lyra commença par percevoir des sons. Puis elle comprenait ce qui disait autour d'elle.

-Les filles! C'est important! Dites TOUT ce qu'il s'est passé! Ne manquez AUCUNE information!

Svaï n'arrivait pas à parler, alors Cristalline répondit :

-Nous vous l'avons déjà dit Kimi! Comme Carla embêtait un cheval, nous sommes venues pour l'empêcher de continuer. Lyra était à cheval. Nous avons ensuite été invitées pour prendre un chocolat chaud à l'intérieur. C'est là qu'elle a commencé à suffoquer et à délirer.

-Il me manque une information, marmonna la jeune femme pour elle même. C'est impossible autrement.

Peu à peu, Lyra se souvenait.

Svaï osa finalement parler :

-Ou alors, peut-être que… Non! C'est impossible! Peut-être qu'elle délirait déjà!?

Kimi tenait sa fille à deux mains par les bras. C'était presque si elle la secouait.

-C'était quand on regardait Carla s'attaquer à Mû, la jument sur laquelle était Carla. Elle parlait à un étalon, Delta. Elle disait qu'il fallait lui obéir ou je ne sais quoi, et...

-Mais pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt!?, l'interrompit Kimi.

-Eh bien, je...c'est ridicule. C'est bizarre. On en voyait pas l'utilité. Et je ne la vois toujours pas d'ailleurs!

Sa maman leur demanda de sortir en grommelant. Elle était seule avec Lyra. Elle s'assit à côté d'elle et, la fixant, prononça des paroles étranges. Un léger parfum de mangue se répandit dans la pièce. Lyra retrouvait son odorat et son touché : le parfum lui parvenait et une douceur légère, confortable et qui paraissait infinie, s'immisçait en elle. Ce fut un retour immédiat vers le pays des songes.

Il faisait nuit quand Lyra se réveilla de nouveau. Elle sentait les chaos...d'une route mal entretenue. L'inconfort d'un sommeil sur les sièges confirmait sa théorie. Réfléchir était difficile mais plus impossible. Elle essayait de savoir ce qu'il se passait en fonction des bruits et des mouvements ressentis. Il y eut un peu d'agitation et des sons étouffés. Elle se sentit portée, puis installée sur un lit. Elle entendit une porte se fermer. Au bout de quelques longues minutes, il n'y eut plus un seul bruit. Lyra avait peur. Elle s'imaginait mille et un scénarios, tous pires les uns que les autres. Elle ne se doutait pas que, de l'autre côté du mur, se trois amies, sans beaucoup plus d'explications, se demandaient ce qu'elles faisaient là. Mais là où? Telle était encore la question pour la malade.

La lumière était vive, trop vive pour les yeux de Lyra qui venait de récupérer l'usage de la vue. Ce troisième réveil fut donc bien difficile pour notre petite convalescente. Rapidement, elle perçut les sons qui l'entouraient : le chant des oiseaux, le vent dans les arbres, les meuglements de vaches, des cris de jeunes filles… Des cris de jeunes filles?!

Des vaches en liberté en montagne
Montagne en vue!

Lyra voulait aussi s'amuser avec se amies, mais il lui manquait encore sa mobilité. Il lui était impossible de les rejoindre dehors. Alors, faisant un effort, elle rouvrit les yeux pour observer la petite pièce dans laquelle elle se trouvait. Elle était allongée sur un lit sous une fenêtre. A côté d'elle, une petite table de nuit en bois brun précédait la porte de la même matière. Y étaient posés des médicaments, une lampe de chevet et un verre d'eau. En face, une armoire massive devait déjà abriter ses vêtements. Les murs blancs rendaient le tout très lumineux. C'est alors que Kimi entra dans la salle :

-Ah! Tu es réveillée. Ça va mieux? Non attend! Ne parle pas! Tu n'y arriveras pas.

Puis, elle s'assit sur le lit et regarda Lyra dans les yeux.

-Ta santé étant menacée, nous sommes parties en Auvergne. La nature te fera du bien. Ne te pose pas trop de questions : tu te fatiguerais. Et si tu te demandes pourquoi Stella, Svaï et Cristalline sont aussi ici, c'est un peu compliqué de te répondre, et difficile à comprendre. Je te dis juste qu'elles ont le droit absolu d'être avec nous.

Puis, elle prononça d'étranges paroles et un parfum de mangue vint chatouiller les narines de l'enfant. De nouveau, elle s'endormit, mais eut juste le temps d'entendre :

-Quelles lois idiotes! Croire des sottises! Ne pas leur dire est une véritable bêtise, une horreur! …

Le reste se noya dans le parfum de mangue qui l'envahissait, qui l'endormait.

Lyra sentait qu'on la secouait. Elle entendait aussi des voix. Elle entrouvrit les yeux pour découvrir le visage de Stella, ls cheveux en bataille et les joues roses.

-Viens! Tu peux te lever et sortir dehors! Kimi t'a préparé un p'tit déj' in-des-cri-pti-ble!

Svaï et Cristalline se penchèrent à leur tour au-dessus d'elle avec de grands sourires. C'était fini! Elle allait pouvoir profiter du paysage auvergnat!

Chapitre IV : Baignade Party![]

Quand Kimi appela à table pour le déjeuner, Lyra avait fini de raconter ce qu'elle avait entendu et senti, et ses amies avaient également expliqué ce qu'elles avaient vécu. La maman de Svaï leur proposa d'aller à la piscine l'après-midi pour, soit disant, la santé de Lyra, mais toutes se disaient que cela cachait quelque chose d'autre qu'un simple remède.

En les déposant, Kimi paraissait inquiète :

-Si un seule problème survient, vous m’appelez! Pareil pour une chose étrange!

Et elle s'en alla sans leur laisser le temps de poser des questions. Se tournant alors vers le bâtiment, les quatre filles découvrirent un gros bloc de béton rose pâle et taupe. On pouvait y entrer par plusieurs porte-vitrées en haut de quelques marches. De chaque côté, de gros cylindres devaient renfermer des toboggans. Le parking était presque vide. Le ciel était gris. En entrant dans le hall, Svaï alla payer à l'accueil pendant que les autres regardaient à travers une vitre les bassins presque vides de nageurs.

Un quart d'heure plus tard, on pouvait voir quatre jeunes filles animer de leurs cris cristallins l'ambiance du bâtiment. Après avoir nagé, sauté, plongé, cabriolé, elles commencèrent à jouer au "loup couleurs". Revisité façon baignade, les amies prirent la position de l'étoile et, regardant le plafond en se laissant dériver, Stella dit tout haut une couleur :

-Rouge!

Il ne se passa pas une milliseconde que Lyra criait déjà :

-Poissons rouges!

Et Svaï de s'exclamer :

-Coraux!

Enfin, ce fut à Cristalline de continuer :

-Poissons volants!

A chaque fin d'exclamation, celle qui avait pris la parole se retournait dans l'eau et nageait jusqu'à ce que la suivante parle. Le tout pour éviter de se faire attraper par Stella, le 'loup". Mais, tout d'un coup, cette dernière, qui était debout, tomba dans l'eau, frappée de plein fouet par quelque chose d’étonnamment rouge. Se relevant et se retournant, elle s'exclama, les yeux grands comme des balles de tennis :

-C'est...c'est un poisson volant!!!

Son cri résonna et se perdit dans le silence qui venait de se faire dans le bâtiment. Puis, tout le monde sortit des bassins en hurlant et en s'interrogeant tout en gesticulant. Tout se passa très vite ensuite : horrifiée, Cristalline s'évanouit, rattrapée de justesse par Svaï. Une demande s'évacuation se fit entendre. Tout le monde se bousculait devant les cabines.

Le soir, dans le salon de Kimi, des tisanes et des caramels devant elles, les collégiennes, qui étaient encore toutes étourdies et qui n'avaient rien compris de ce qu'il s'était passé, racontaient tout à la seule adulte présente dans la salle, qui, au fur et à mesure que le récit avançait, fronçait de plus en plus les sourcils. Mais, à la fin de l'histoire, elle ne dit rien à part une phrase bien en-dessous des espérances des sixièmes :

-Peut-être étaient-ce de faux animaux, un genre de robots pour amuser les enfants.

Peu convaincues par l'intervention d'une telle technologie dans une piscine qui avait dû être évacuée, elles mirent du temps à s'endormir à cause de leurs bavardages incessants à propos de l'après-midi.

-Pourquoi y avait-il eu une demande d'évacuation si cela avait été volontaire?

La question de Cristalline résonna doucement dans la pièce comme une berceuse. Mais son ton sonnait faux avec ce que cette phrase impliquait. Lyra lui répondit après un long temps de réflexion :

-Kimi n'étant pas aussi bête qu'elle nous l'a montré, elle nous cache forcément quelque chose. Mais quoi?

Personne ne lui répondit sachant qu'elle n'attendait pas de réponse car il n'y en avait pas. Nouvelle question à rajouter à la liste, cette dernière s'étant remplie considérablement depuis la rentrée.

Le lendemain fut éprouvant. Epuisées par les événements de la veille, Lyra et Cristallines somnolaient pendant que, en meilleure forme, Stella et Svaï couraient partout : entre les vaches comme à travers le chalet. Même Kimi gardait son air grave qui avait conclu la soirée. Cette ambiance dura cinq jours pendant lesquels on pouvait voir deux blondes avachies dur le canapé, deux brunes gambadant à travers prés, et une femme, sourcils froncés, effectuant mécaniquement les tâches de la journée. Le sixième jour, Svaï n'y tint plus.

-Mais que se passe-t-il!? Pourquoi tout le monde est bizarre? J'en ai ras-le-bol!

Pour la première fois depuis ces cinq jours, Kimi reprit une mine plus joyeuse, moins grave et sérieuse.

-Je vous propose d'aller toutes les quatre vous balader en montagne aujourd'hui pour détendre l'atmosphère. Moi, je vais rester ici pour régler certains problèmes de...travail.

Peu enthousiasmées, elles acquiescèrent et se préparèrent à partir.